Le monde du windsurf est en ébullition suite à la dernière épreuve du Fiji Surf Pro, qui s'est déroulée dans le cadre du tout nouveau PWA IWT Unified Wave Tour. Cette compétition a offert des images spectaculaires et a permis à Sarah Hauser et Baptiste Cloarec de s’imposer en survolant la compétition. Mais elle a aussi révélé un débat crucial sur l'équilibre fragile entre le sport spectacle et l’équité sportive, et par voie de conséquence, sur l’avenir du sport.
Depuis des décennies, le PWA World Tour s'est imposé comme la référence dans le domaine des compétitions de windsurf, avec des critères sportifs rigoureux et une approche centrée sur les performances. Certes, depuis de nombreuses années aussi, le tour PWA peine à renouveler le genre et à varier les destinations, entrant irrémédiablement dans une certaine monotonie. De manière similaire, le travail de communication du PWA World Tour s'articule autour de communiqués de presse quotidiens, fournissant un résumé des faits complet et de la journée de course. Dès ses débuts, et plus encore depuis 2021, l'IWT Wave Tour a opté en revanche pour une approche différente, privilégiant les réseaux sociaux pour sa communication. Les vidéos d'action captivantes, les clips de qualité et les publications instantanées ont rapidement gagné en popularité, créant un impact plus immédiat et attirant une audience plus large… Et le Fiji Surf Pro a clairement révélé une véritable fracture entre ces 2 approches, mettant en péril, à nos yeux, l’équité sportive sous le nouveau circuit intitulé PWA IWT Unified Wave Tour.
Organiser une compétition de windsurf sur la vague de Cloudbreak à Fidji tient du miracle et on ne peut que féliciter Simeon Glasson et Russ Faurot, les 2 patrons de l’IWT Wave Tour, pour leur implication dans cet événement. Et pour cause, Cloudbreak est située au large de l'île de Tavarua. Cette même île et ses environs sont gérés par un complexe hôtelier privé qui contrôle l'accès à la vague. Historiquement, l'accès à Cloudbreak est réservé aux clients de l’hôtel, qui doivent séjourner sur l'île pour avoir le droit de surfer la vague. L’accès à cette vague est d’autant plus réglementé que chaque demande d’organisation d’une compétition doit être validée par une autorisation officielle du ministère du tourisme fidjien. Les prix du Namotu Island Surf Resort Fiji étant particulièrement élevés, l’organisation du Fiji Surf Pro s’est rabattue sur d’autres hébergements, plus accessibles financièrement, mais aussi plus lointains, à 45 minutes de bateau de Cloudbreak. Côté IWT Wave Tour, l’équipe média est composée de pointures, Jace Panebianco, Paul van Bellen et Mattéo Nativelle préposés aux vidéos, Sofie Louca et Paul Karaolides de Fish Bowl Diaries pour les photos. Le plan média de l'événement est lui parfaitement organisé avec un nouveau producteur de télévision, Brian Welsh. Expérimenté notamment dans la production d'émissions télévisées pour la NFL aux Etats-Unis, l’objectif affiché est de porter l’événement à un niveau de classe mondiale afin de présenter le windsurf sous un meilleur jour à un public international. La finalité à terme est de créer un produit médiatique commercial sérieux dans le but de pouvoir vendre les droits, avec une logique de revenus supplémentaires dont tout le monde, riders compris, pourra profiter à l'avenir.Si les intentions sont bonnes (voire même très bonnes !), l’organisation de l’IWT Wave Tour semble cependant se heurter rapidement à 2 écueils de taille :
1/ Une compétition de windsurf reste dépendante des aléas météorologiques
2/ Le coût de l’événement est énorme avant même d’avoir commencé…
Le 31 mai au soir à 20h, la veille du 1er jour de course, les compétiteurs qui ont déboursé 1200 $ d’inscription pour un package complet (comprenant la "privatisation" de Cloudbreak de 12h à 17h sur 5 jours, plusieurs bateaux pour le transfert au spot, la présence du bateau principal Mothership avec toilettes, eau fraîche, etc…, la présence de jet-skis pour la sécurité, l’accès aux photos et vidéos réalisées par équipe média, etc…) apprennent qu’il n’y aura finalement qu’une simple élimination disputée sur 3 jours de compétition possibles. Les règles de course du PWA World Tour prévoient pourtant l’organisation possible d’une dingle, un mixte de la simple et de la double élimination avec un 2ème tour de repêchage pour ceux éliminés au 1er tour. Rarement utilisé, ce tableau d’élimination a le mérite de ne pas être aussi long qu’une double élimination et d’offrir une 2ème chance. Mais il n’en sera rien. La raison, le coût global de l’événement qui commence à exploser et un soutien financier des autorités fidjiennes annoncé quelques mois plus tôt qui finalement n’est pas là. Compétition initialement prévue en waiting period du 1er au 11 juin avec 5 jours de compétition possibles et selon les formats de course classiques en vigueur, l’épreuve se résume désormais à 3 jours effectifs à Cloudbreak, une simple élimination seulement et le temps qui presse, déjà… Pour des raisons techniques et de timing (et sûrement financières aussi), le live streaming ne sera opérationnel que pour les phases finales de la compétition, les demi-finales et les finales (femmes et hommes). Tout le monde avale la pilule et prend sur soi…
S’ensuit la compétition, son déluge d’images sur les réseaux sociaux et une épreuve qui se déroule globalement plutôt bien avec des juges, non professionnels, dont Björn Dunkerbeck, et Angela Cochran en chef juge, qui font le boulot. Si le show est magnifique, certains l’ont peut-être oublié, l’épreuve compte tout de même pour un titre de champion du monde en vagues en fin d’année et cette simple élimination "sèche" fait sa 1ère victime, et non des moindres, dès le 1er jour avec l’élimination de Marcilio Browne. Les images de sa chute sont spectaculaires à souhait et sont une machine à likes et à partages sur Facebook et Instagram. Mais sportivement, le champion du monde en titre vient de perdre très gros et n’aura pas le droit à une 2ème chance. S’il avait cassé son mât lors d’une chute plus anodine, le résultat aurait été le même, le buzz en moins.
En survolant la compétition par leur talent et leur style, dès le début de la compétition pour Baptiste Cloarec, le dernier jour pour Sarah Hauser, les 2 futurs vainqueurs ont rapidement pris toute la lumière sur cette épreuve avec une victoire méritée et une démonstration de waveriding efficace. Ils font oublier un temps le doux amateurisme qui fleure bon sur ces épreuves organisées par l’IWT Wave Tour (et qui fonctionne plutôt bien général !), au moins jusqu’à la finale masculine…
Alors que la confrontation entre les concurrents du dernier carré a débuté depuis déjà 10 minutes (sur les 30 au total), Antoine Martin fait une apparition surréaliste sur l’eau et prend sa 1ère vague. Éliminé en demi-finale, le waverider français est de retour après avoir posé une réclamation et est autorisé à réintégrer la course (cf notre résumé de la journée du 4 juin). Au cœur de cette réclamation, certains de ses adversaires en demi-finale qui se sont fait remonter en jet-ski beaucoup plus haut que prévu sur le spot, malgré un ’’gentleman’s agreement’’ acté entre les concurrents la veille… En temps normal sur une épreuve du PWA World Tour, la demi-finale aurait dû être recourue, mais le temps presse et il faut terminer la compétition en urgence, le soleil décline et ce 3ème jour est déjà le dernier. Un temps pressenti 2ème de cette finale sur les feuilles des juges (selon nos informations), Antoine Martin apprendra en sortant de l’eau que sa prestation n’est finalement pas prise en compte et qu’il restera 5ème place au classement général.
Le Fiji Surf Pro s’achève ainsi… Compétition "survendue" sans aucun doute aux participants comme aux spectateurs virtuels que nous sommes, le Fiji Surf Pro laisse un sentiment très partagé, celui d’avoir vécu une épreuve tout simplement sublime d’un point de vue visuel, mais quelque peu biaisé sur le plan sportif.
Présenté en janvier, le PWA IWT Unified Wave Tour était la meilleure nouvelle de ces dernières années pour le windsurf… Moins de 6 mois plus tard, la mariée semblait trop belle avec 2 circuits qui n’ont clairement pas les mêmes approches, les mêmes objectifs et surtout, les mêmes standards. Et, même si l’image est prépondérante de nos jours au travers d’Internet, et des réseaux sociaux en particulier, un minimum d’équité sportive doit subsister pour ce qui reste un Graal pour beaucoup de windsurfers professionnels, un titre mondial dans la discipline reine des vagues…
Emblématique et respecté chef juge du PWA World Tour depuis 2 décennies au moins, l’anglais Duncan Coombs devait être cette année le garant de l'équité sportive et (surtout !) de l’unité sur ce nouveau PWA IWT Unified Wave Tour. Sa présence était prévue et annoncée au Japon (il y était !), à Fidji et pour la finale à venir à Maui. Mais, pour des raisons financières, l’organisation du Fiji Surf Pro avait décidé de se passer de lui…
Source : Windsurfjournal.com
Photos : Fish Bowl Diaries