7 questions à Nicolas Goyard

25/04/2024

A l’occasion de la journée presse organisée par la FFVoile à la Marina olympique de Marseille le 15 avril dernier, nous avons eu la chance de nous entretenir longuement avec Nicolas Goyard… Sélectionné tricolore en iQFOil pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, et grande chance de médaille, il s’est prêté au jeu des 7 questions pour Windsurfjournal.com.

 


Windsurfjournal.com : Tout d’abord, comment vis-tu cette journée presse organisée par la FFVoile, ce moment un peu protocolaire avant l’échéance des Jeux Olympiques dans moins de 3 mois ?
Nicolas Goyard : Je considère que cela fait partie du boulot. C’est prévu, c’est telle date, c’est efficace. En fait, pour moi, tant que les journées que l’on fait sont efficaces, cela ne me dérange pas. Je préfère avoir des journées comme ça où l’on fait plein d’interviews à la suite et on fait le boulot plutôt que de prendre une demi-heure par ci ou par là.

 

WJ : Vue de l’extérieur, on te perçoit comme quelqu’un de très concentré. Tu sembles parfois presque obnubilé ou perfectionniste, à ne rien lâcher tant que tu n’as pas le résultat souhaité… D’où te vient ce trait de personnalité ?
NG : Je suis perfectionniste en effet, je suis aussi un peu autiste, mais pas au sens négatif ou péjoratif du terme. Je suis perfectionniste à un niveau qui n’est pas maladif, mais pas loin ! En fait, j’essaie d’optimiser. J’essaie d’optimiser mon ratio de temps/énergie passée/performance. Je suis conscient que la vie n’est faite que de compromis et, dans ces compromis, il faut accepter de lâcher certaines choses. Et parfois, c’est dur d’en lâcher certaines… C’est une balance d’autant plus que le quota d’énergie dans une journée est limitée, comme dans 1 ou 3 mois. Il faut donc estimer le quota d’énergie que l’on a à l’instant T, savoir l’optimiser et savoir se ressourcer. Pour le reste, je suis dans mon couloir de fonctionnement. Je n’ai jamais été à 100% jusqu’à présent à gérer beaucoup de choses à la fois comme m’investir pour la classe iQFOil, là, c'est différent désormais…

 


WJ : On le sait peu, mais tu es très investi justement dans la classe iQFOil pour laquelle tu consacres beaucoup de ton temps…
NG : C’est quelque chose qui me tient à cœur, cela fait partie de mon équilibre. J’ai dans mes valeurs une chose très importante à mes yeux, la justice, le côté "fair". Et quand quelque chose est injustice au niveau d’un fonctionnement, cela me dérange fortement. Et pour dire les choses de manière directe, quand c’est de la merde, eh bien, je le dis ! Je suis quelqu’un de très analyste et de méthodique dans mon analyse avec une approche basique, j’en viens du coup à trouver des solutions efficaces très rapidement. Dans le travail au sein de la classe iQFOil, c’est intéressant de voir parfois la lourdeur politique et de prendre du recul. Il n’y a pas que « y qu’à, faut qu’on », il faut convaincre qu’une idée est bonne. Pour ça, il n’y a pas le choix, soit il faut être très convaincant, soit que l’idée est excellente et il n’y a pas discussion, mais ça arrive rarement. Avec mon côté autiste, je prends les choses de manière très factuelle, sans émotion et cela permet d’aller à l’essentiel. C’est beaucoup de travail, c’est vrai, mais cela me permet aussi d’avoir du lâcher prise, ce qui n’est pas simple dans mon cas ! Je n’en serai peut-être pas là aujourd’hui sans ce boulot, cela me pompe de l’énergie, mais c’est une énergie qui me nourrit aussi.

 

WJ : Ce perfectionnisme, c’est un besoin de contrôle ?
NG : Non, c’est un besoin de bien faire les choses et que les choses soient bien faites. Quand je sais que j’ai les compétences techniques ou l’analyse pour que les choses soient bien faites, je mets tout en œuvre pour que cela soit fait. Il faut parfois accepter que cela ne soit pas suffisant. Je sais déléguer sur des choses que je ne connais. Je connais mes limites de réflexion, de compétences et lorsque je ne sais pas, je ne sais pas, débrouillez-vous ! Pour autant, sur le matériel, je suis incapable de déléguer, car c’est mon mode de fonctionnement, ma logique. Julien Bontemps, mon entraîneur, va m’aider sur le matériel, mais sur le reste, c’est ma responsabilité. Je suis le seul maître de mon matos. Vu les éléments de performance qu’il y a derrière, je veux m’en occuper…


WJ : À moins de 100 jours des Jeux Olympiques, chaque athlète sélectionné va recevoir un pack avec lequel il va devoir se préparer d'ici à l'épreuve. Comment envisages-tu cette échéance ?
NG : Avoir 4 packs, c’est nouveau, ce n’est jamais arrivé sur une olympiade. Nous allons en fait recevoir 4 packs comprenant les éléments qui ont des facteurs de performance : le foil, la voile et le mât. Nous n’aurons en revanche qu’un wishbone et qu’une planche. Cette initiative est fortement due de ma part. Cela met tout le monde au même niveau, car sur 4 packs, tu vas avoir au moins une très bonne aile, un bon mât et un bon foil. Et vraiment, à quelques exceptions près, tout le monde devrait être sur du matériel équitable. À la réception du matériel, il va y avoir une phase de mesure et ensuite une phase de tests sur l’eau. Il faudra déterminer le pack 1 pour les Jeux et un pack 2 de pièces de rechange. La World Sailing doit encore déterminer les règles en cas de casse ou de changement.

 


WJ : Et dans cette dernière ligne droite ô combien importante, tu participeras tout de même au Défi Wind à Gruissan…
NG : Ça va être ma récréation ! Ce n’était tout simplement pas négociable, c’était dans le programme depuis le début avec Julien Bontemps. Je lui ai dit : "Il y a les Jeux, le Défi, le reste tu construits autour !". C’était important d’être au Défi. Évidemment, s’il y a 50 nœuds, je ne vais pas pousser en foil avec ma 3.7. Je ne veux pas prendre de risque, c’est un coup à se prendre une boîte et se péter quelque chose. Si j’estime que c’est la limite, et comme je ne suis pas très bien entraîné, je ne pousserai pas la machine. En revanche, à 30 ou 35 nœuds, c’est gérable en 4.5. Je n’ai pas d’ambition, car je sais que Pierre Mortefon va être particulièrement prêt pour cette course. Je sais que je suis capable de gagner le Défi, après je verrais ce que je suis capable de faire. Je ne prends de risques et je prends du recul sur cette édition, mais si les conditions sont parfaites, je ne vais pas me gêner pour remporter le Défi !

 

WJ : Quels adversaires as-tu identifié pour cette épreuve des Jeux Olympiques à Paris sachant que c’est une compétition totalement nouvelle et unique en son genre ?
NG : On les connaît depuis un moment. Il y a Luuc van Opzeeland, Nicolo Renna qui est très solide et un très bon régatier, Pawel Tarnowski qui monte en puissance en ce moment. Il y a aussi Sebastian Kördel sur lequel il faut garder un œil. On le voit moins depuis 6 mois, mais ça ne m’étonnerait pas qu’il revienne dans le jeu. Sams Sills aussi est à surveiller, il a très bon l’an dernier, mais a plus de mal depuis. L’Israélien Tom Reuveny est toujours très solide. Il n’est jamais monstrueux, mais sur un format de finale à 10, il peut être dangereux. Grae Morris l’Australien peut être au rendez-vous, tout comme le Néo-Zélandais Joshua Armit. Cela fait rapidement 8, 9, 10 personnes. En medal race, à 1 ou 2 personnes près, il n’y aura pas de grosses surprises je pense. Le niveau est là ! L’élément qu’il faudra voir ensuite, c’est le côté psychologique. Je sais que de mon côté, je suis capable de gérer mes émotions en fonction des enjeux. Et comme cette fois, je suis impliqué à 100% dans quelque chose, je vais encore monter en puissance et ça va être intéressant à voir. Je ne suis pas inquiet par rapport à mes réactions mais j’attends de voir comment vont réagir les autres. Je pense être l’un des plus stables au niveau émotionnel. À partir du moment que je sais que je ne me laisse pas submerger par mes émotions, il faut juste que je fasse mon truc. Je sais aussi que j’ai toujours un temps de mise en fonctionnement et que lorsque je suis en action, plus rien ne peut m’arrêter.

 

Pour en savoir plus sur Nicolas Goyard : www.instagram.com/nico.f465

 

Source : Nicolas Goyard
Photos : Pierre Bouras/FFVoile - FFVoile/Sailing Energy

tags: Nicolas Goyard Jeux Olympiques Paris 2024

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