3 questions à Sarah Hauser

07/06/2023

Incertaine de participer au Fiji Surf Pro quelques semaines auparavant, Sarah Hauser empoche la plus belle des victoires avec l’art, la manière et surtout le style, la preuve qu’elle est de la trempe des grandes windsurfeuses. Avec elle, retour sur cette compétition à Cloudbreak et cette victoire symbolique à plus d’un titre…

 


Windsurfjournal.com : Comment t'es-tu préparée pour cette épreuve très particulière du Fiji Surf Pro ?
Sarah Hauser : Cette année est une année un peu particulière pour moi. Les gens qui me suivent dans la communauté du windsurf savent que mon mari Casey Hauser a été diagnostiqué avec une leucémie au mois de janvier dernier. Donc nos vies sont un peu particulières en ce moment… Au départ, je ne pensais pas pouvoir faire cette compétition jusqu’à mi-avril, 6 semaines avant l’événement. Nous avons appris que ça se passait plutôt bien au niveau des traitements et qu’il allait y avoir un créneau qui me permettrait de me rendre à Fidji et de le laisser avec sa famille qui prendrait soin de lui. J’étais pas mal occupée aussi, car au milieu de tout ça, j’ai déménagé toute seule pour une tiny house qu’il fallait rénover. Et donc la préparation physique, ç'a été pas mal de jardinage, de travaux de construction, de plomberie et de l’électricité, c’était un peu spécial ! J’ai eu très peu de temps et d’énergie pour moi et il a fallu que je sois assez précise avec ce que je voulais faire et le peu de temps que j’avais pour m’entraîner. La 1ère chose a été d’aller voir Keith Teboul chez Quatro et de lui demander de me shaper une board pour Fidji. Je savais qu’il me fallait plus de volume, car quand j’étais allé à Cloudbreak en 2019 avec Camille Juban, c’est vraiment ce que j’avais ressenti, les conditions peuvent être très légères. D’habitude, je navigue en 58 litres et celle-ci en fait 63, exactement la même car je n’avais pas le temps de m’habituer à un shape différent. Je voulais juste un peu plus de longueur pour les vagues qui allaient être plus grosses. Je voulais qu’elle soit la plus proche de ma Hookipa board. En préparation physique, j’ai voulu faire un travail sur l’équilibre, le renforcement des abdominaux, un peu de proprioception parce que faire l’équilibriste sur ta planche dans 12 nœuds de vent avec du courant en essayant de partir au take-off et vite rentrer dans les footstraps, pour moi, c’est ça qui allait être critique. Après une fois dans la vague, la qualité de Cloudbreak fait que le ride va de soi. Côté navigation à Maui, j’ai pu faire une session à La Pérouse qui m’a permis de naviguer sur une gauche un après-midi, mais avec des surfers à l’eau et ce n’était pas très gros. Et j’ai une session et demi à Hookipa avec ma nouvelle planche pour placer mes ailerons et savoir comment la régler. Mentalement, j’étais un peu stressée, car j’ai l’habitude de "sur-travailler" et d’être super préparée, surtout pour un événement comme celui-là qui compte pour moi.

 


WJ : Les féminines n'ont couru que le dernier jour, comment as-tu vécu cette attente et cette ultime journée de l'intérieur ?
SH : Oui, nous n’avons couru que le dernier jour de la fenêtre de course possible. Je suis arrivée le mercredi soir et le début de la compétition, c’était le jeudi matin. Au début, on nous a dit que nous n’allions pas pouvoir naviguer tout de suite, car ce sont les hommes qui allaient pouvoir partir à l’eau dès qu’il allait y avoir du vent. J’ai quand même pris mon matériel en me disant qu’on ne sait jamais s’il y a un peu d’attente et un créneau à prendre. Et c’est ce qui s’est passé avec presque 1 heure que j’ai pu passer avant que la compétition ne commence et durant laquelle j’ai ainsi pu tester le spot. J’ai pris 2 vagues, ce n’est pas beaucoup, mais cela m’a permis de reprendre mes repères et de voir comment se placer. Il y a eu aussi des journées sans vent et l’occasion de surfer à Cloudbreak même si je n’ai pas le niveau. Mais le fait de ramer, d’être sur le spot et de voir la vague sous un autre angle permet d’en apprendre beaucoup. Et donc le lundi, ç'a été notre journée, notre ultime chance avec une marée basse à la mi-journée qui était susceptible de voir le vent tomber. Pour ma demi-finale, je suis partie à l’eau avec le plus gros matos possible, ma 4.0 m² Banzai et mon custom de 63 litres. 1ère vague super puissante, j’ai failli me faire enfermer, je suis passée à 2 doigts de la chute. Heureusement, car la sanction est très dure en finissant dans le reef avec du corail bien coupant et du matériel qui allait souffrir. Derrière ça, j’ai eu 2 belles vagues et j’ai commencé à gagner en confiance et même à m’amuser car c’était très beau, mais aussi effrayant parfois ! Dans notre heat, il y avait une jeune fille de 13 ans, Sol Degrieck, c’était impressionnant de la voir. Cela m’a rappelé mes premières vagues au récif en Nouvelle-Calédonie quand j’avais 15 ans. 13 ans et 1ère session dans du solide à Cloudbreak, bravo à elle ! En finale, j’ai retrouvé Sarah-Quita Offringa, Jessica Crisp et Coraline Foveau. Je connais bien cette dernière, je l’ai entraînée un peu en préparation physique l’an dernier. Je vois bien qu’elle a de gros rêves en elle et je me revois un peu en elle 10 ans plus tôt avec cette passion et cette envie de montrer ce qu’elle a dans le ventre. Pour cette finale, il y avait encore moins de vent et il commençait à y avoir moins de vagues aussi. Nous avons eu un gros set au début, nous avons toutes pris des vagues. Mais ensuite, je n’étais pas bien placée, j’avais du mal à repartir et à me placer en haut du spot. Il me manquait une 2ème vague alors que les autres avaient réussi à en prendre 2. J’étais en stress, j’ai attendu et lorsqu’un set est finalement arrivé, j’étais en bataille avec Sarah-Quita Offringa pour la priorité, ça ne s’est joué à pas beaucoup de choses. J’étais au pic, elle était un peu plus haut, il y avait un gros clapot qui l’empêchait de partir alors que j’étais déjà dans le drop. Je l’ai vu hésitante et je suis partie, ça s’est joué sur 2 secondes cette décision. Là, j'ai tout donné, mais je vois qu’au 2ème virage, c'est chaud et ça ne va pas passer. J’étais en mode pilotage automatique avec mon matos, je me suis fait projeter par la lèvre et c’est passé ! Il y a eu une puissance incroyable et ça m’a donné du boost pour les 2 virages suivants. C’était la vague qu’il me fallait ! J’ai fini en bas du spot avec quasiment plus de vent pour mon waterstart et il restait 2 mn de course. Je n’avais pas le temps de remonter et je suis restée dans l’eau à nager et à apprécier ce moment-là. Le soleil commençait à décliner, la lumière était magnifique et c’était un moment très spécial…

 


WJ : Depuis longtemps, ton image et ta carrière sportive sont intimement liées au waveriding. Remporter une compétition à Cloudbreak est-il une forme de consécration pour tout cet engagement de ces dernières années ?
SH : Oui, c'est une consécration de gagner cette compétition, car le waveriding pour moi, c’est ça ! Rider des vagues comme celles de Cloudbreak, c’est ce qui m’a fait tomber amoureuse de ce sport quand j’avais 15 ans, que j’ai ridé mes premières vagues à Ténia en Nouvelle-Calédonie et que j’ai voulu dédier ma vie à ce sport. J’ai tout de suite ressenti des choses incroyables en me disant que c’est ça que je veux faire ! 10 ans plus tard, d’obtenir ce résultat, c’est la plus belle performance de ma carrière et surtout d’avoir gagné comme ça, en ayant tout donné et fait du mieux que je le pouvais. Et puis il y a eu les encouragements des autres filles, tout le monde est venu me féliciter et même des garçons qui me disaient que certains de mes turns étaient comparables à ceux des mecs. Cela fait très plaisir, car on veut toutes montrer que l’on peut réduire l’écart entre les femmes et les hommes dans notre sport. C’est une consécration, c’est certain et, à vrai dire, à cette heure, je n’en reviens pas encore ! C’est aussi une belle victoire pour mon couple avec ce que l’on traverse cette année Casey et moi. Il m’a énormément soutenu pour que j’y aille, il m’a envoyé beaucoup de messages pendant la compétition et il a tout regardé ! Cela va nous booster pour ce qui nous reste à vivre. Je suis vraiment très très heureuse !

 

Pour en savoir plus sur Sarah Hauser : www.instagram.com/hauserlifestyle

 

Source : Sarah Hauser
Photos : Fish Bowl Diaries

tags: Sarah Hauser PWA IWT Unified Wave Tour Fiji Surf Pro Cloudbreak

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