Passionné de la première heure, Pascal Malcoste vient de remporter, il y a quelques semaines, son 10ème titre de champion de France en speedsail… Adepte du foil également, il a pourtant bien vu sa passion stoppée net suite à un infractus survenu en 2021. Avant de revenir sur l’eau, plus passionné que jamais. Rencontre avec un personnage et une figure du windsurf tricolore !
Windsurfjournal.com : Beaucoup de "vieux de la vieille" te connaissent déjà, mais pourrais-tu nous parler de ton parcours et de ta longue passion pour le windsurf ?
Pascal Malcoste : Un parcours de planchiste assez classique pour un ancien francilien : stage d’optimiste dès 8 ans en Normandie puis du 445 sur l’océan, la Seine, les lacs d’Île-de-France jusqu’à 15 ans. Par la suite, la découverte de "l’objet du délit" par accident en août 1983 lors d’un séjour d’un mois sur l’île de Penfret Archipel des Glénans (Ecole du même nom) et abandon progressif du dériveur. Ma progression sur ces planches à dérives m’a permis rapidement de passer sur des flotteurs plus courts de l’époque avec des copains (Tiga Slalom 260, Tiga Jump). Puis shape de mes flotteurs de vagues en Clark Foam pour devenir totalement accro des conditions de tempêtes et mers plus extrêmes sur les plages du nord et la Bretagne. "Le pèlerinage estival" vers Valras, Argeles et La Franqui pour profiter de vent soutenu à extrême et le début des voyages sur toute la côte française m’obligeaient à m’adapter aux spots et leurs caractéristiques. Les week-ends ventés à répétition sur les plages picardes m’ont permis de progresser, mais aussi de découvrir le speedsail principalement lorsque le vent était trop faible sur l’eau. Après un passé très sportif avec de bons résultats en demi-fond, football et rugby… jusqu’à ma période militaire, je me suis alors concentré sur le funboard et le speedsail en compétition. Premières épreuves d’endurances et premiers podiums qui m’ont permis de signer rapidement des partenariats avec des marques leaders dont la majorité me font toujours confiance. Puis sélectionné jusqu’au plus haut niveau des épreuves fédérales, championnats nationaux et internationaux.
WJ : Après 40 ans de compétition en speedsail, tu as remporté dernièrement un 10ème titre de champion de France… Comment se porte cette pratique très populaire dans les années 80 et qui est devenue beaucoup plus confidentielle par la suite ?
PM : Un dixième titre très symbolique, comme mon numéro de voile, mais aussi heureux de devenir le premier vétéran à se hisser à ce niveau. Depuis le début des années 2000, le nombre de compétiteurs a rarement dépassé les 50-60 participants sur les épreuves officielles alors que sur les manifestations les plus populaires, nous étions 300 à plus de 500 ! Tout comme la planche, le speedsail a souffert des sports de glisse émergeants, de difficultés, de contraintes réglementaires et financières pour les organisateurs, mais aussi d’une image de pratique dangereuse injustifiée auprès des purs windsurfers ayant subi une malheureuse chute due à un excès de confiance, une position instable sur cette planche étroite ou d’un manque de conseils basiques. A contrario, l’arrivée de la wing a permis de retrouver des riders toujours plus nombreux sur la plage, profitant d’une facilité d’accès aux sensations de vitesse et d’évolution sur un support accessible à tous. Serait-ce le sursaut dont a besoin le speedsail pour retrouver cette dynamique des années 80, la suite de l’histoire le dira.
WJ : On le sait, le speedsail peut se pratiquer toute l’année et permet de progresser… Que manque-t-il selon toi pour que cette pratique terrestre du windsurf suscite à nouveau de l’intérêt ?
PM : En effet, c'est une discipline qui se pratique toute l’année sur les plages, comme la planche abordable, facile, peu contraignante, permettant de continuer à naviguer l'hiver sans se mouiller, effectuer des manœuvres ou progresser plus rapidement sur une surface stable ou tout simplement s’initier à la wing ces derniers temps avant de se lancer sur l’eau en foil. Côté compétition, le retour d’évènements du type raid ou longues distances, 24 h en individuel ou en équipe semble trouver un regain d’intérêt parmi les pratiquants réguliers ou occasionnels ces derniers mois. Un rendez-vous annuel du type Défi Wind dans une ambiance festive, associant plusieurs supports et/ou activités de plage serait à mon sens une solution pour rassembler un maximum de riders "comme au bon vieux temps" et donner un élan "aux jeunes générations" issues de différents horizons de la glisse.
WJ : Suite à un infarctus en 2021, tu as repris le windsurf et est désormais porteur de stents au niveau de tes artères coronaires. Commet s’est passée la reprise en windsurf et quelles sont les "obligations" médicales pour continuer à naviguer ?
PM : Après un infarctus déclenché par un excès d’adrénaline en vagues lors d’une tempête en février 2021 sur St Jean-de-Monts, j’ai bénéficié d’une prise en charge sans faille des pompiers du SDIS 85 de Challans et les équipes du CHU de Nantes (pose de 3 stents) et d’une rééducation cardiaque efficace pour retrouver mon état de forme initiale. Parmi les contraintes pour reprendre les compétitions, j’ai dû effectuer une série de tests d’efforts (VO2 max), obtenir l’aval de cardiologues, respecter le protocole médicamenteux à vie, puis 6 et 12 mois de stabilisation. Après quelques alertes et difficultés de dosages de bétabloquants, j’ai pu reprendre les compétitions en speedsail mais aussi en windsurfoil en "mode réduit" mais "protégé".
WJ : Un pépin de santé n’est donc pas synonyme d’arrêt définitif du sport et du windsurf ?
PM : Au contraire, l’activité physique régulière est gage de bonne santé. Attention tout de même, la reprise doit être accompagnée et par paliers pour éviter toute complication, tout en respectant les consignes médicales. Dès que je vais sur l’eau, je m’impose une sécurité minimale avec un casque, un gilet d’impact, une montre connectée équipée d’une e-sim pour pouvoir appeler les secours ou les proches si nécessaire, d’un couteau, d’un bout de secours sur le harnais. Je ne sors plus en mer à moins de 11 °C (air/eau) et limite mes efforts à une fréquence max de 120 pulsations /min. En cas de récidive subite, j’ai toujours proche de moi un spray de trinitrine qui permet de dilater les artères en attendant les secours. Un suivi annuel par un cardiologue et un angiologue permet de vérifier l’état des vaisseaux, du cœur et prévenir une éventuelle dégradation. Les messages de sensibilisation et les témoignages permettent à présent d’informer de ce risque d’accident souvent détectable et éviter une fin parfois tragique à tout âge et sans facteur de risque initial.
WJ : Quel regard portes-tu sur le sport et sur ses différentes évolutions, toi qui as su suivre les tendances et qui navigue régulièrement en foil ?
PM : Le windsurf a subi la concurrence de "ses petits frères" avec le développement du kitesurf, du SUP et plus récemment du wingfoil, mais il a su aussi évoluer comme toutes ces disciplines vers le foil tout en maintenant ses fondamentaux : la vague et le slalom en aileron. Personnellement, je suis tombé dans le windfoil dès son apparition et surtout avec le développement des foils Select qui m’ont permis enfin de rompre à une frustration immense de 30 ans : revoler après avoir abandonné le vol en avion léger par manque de temps au profit des activités sportives (possédant un brevet de pilote privé depuis 1990). Le foil est une révolution et une satisfaction immense en permettant à tous de piloter « ces avions sous-marins » décollant au moindre souffle, en retrouvant des sensations proches du speedsail en termes d’accélérations, de réglages et de pureté de la glisse. Ces évolutions motivent les jeunes générations et les anciens se remettent progressivement à l’eau. Nous pouvons constater sur les plages ce regain d’activité en loisirs, mais aussi en compétition avec une grande majorité de foilers sur de nombreux spots et nouveaux plans d’eau restés vierges jusqu’à présent.
WJ : Tu fais partie de la "vieille garde", passionné comme au premier jour… Que t’a apporté le windsurf dans ta vie et dans ta vision générale du monde, de la société, etc… ?
PM : Au fil des ans et surtout pendant "les glorieuses" j’ai rencontré, couru et travaillé avec de de grands noms qui ont fait l’histoire du windsurf, du speedsail et de la voile, certains sont encore au plus haut niveau ! Toutes ces expériences, la compétition et le développement parfois de matériel particulier m’ont permis de satisfaire ma soif de podium, de découverte de nouvelles sensations dans ces sports de glisse avec des victoires inoubliables dans le Sahara, sur le Raid d’Hardelot, tous les raids officiels, mais aussi sur la glace et la neige. La planche sur l’eau reste néanmoins ma première motivation et source de sensations uniques aussi bien en aileron qu’en foil, quel que soit le lieu de pratique. C’est aussi un bon moyen de se libérer des difficultés de la vie quotidienne, de profiter de périodes de bien-être favorables à un équilibre du corps et de l’esprit tout en préservant sa santé. Vive le windsurf et tous ses dérivés !
Source : Pascal Malcoste
Photos : Pascal Malcoste - Jérôme Houyvet/Jeromehouyvet.com