Pascal Chaullet, l\'interview

15/06/2012

Entraineur national de la FFVoile depuis 1997, en charge de l’Equipe de France hommes et femmes en windsurf depuis déjà 3 olympiades, entraineur plus spécifiquement de Julien Bontemps, Pascal Chaullet est à 47 ans l’homme de l’ombre. Rouage indispensable dans la machine du windsurf olympique, il nous livre ses impressions après la belle seconde place de Julien Bontemps sur le plan d’eau de Weymouth voilà quelques jours et à quelques semaines de Jeux Olympiques de Londres 2012 et …

 

Windsurfjournal.com : La préparation olympique est encore loin d’être terminée mais comment sens-tu objectivement Julien Bontemps à quelques semaines désormais de l’épreuve fatidique ?
Pascal Chaullet : Concrètement, je le sens très très bien et ce sur plusieurs aspects. La reprise d’une préparation olympique après avoir empoché une médaille lors des Jeux précédents, ce n’est jamais quelque chose de facile, c’est une vraie mise en danger de soi, il peut y avoir de la démotivation, des doutes et à ce niveau-là, Julien est vraiment monté crescendo en terme de motivation et d’investissement. Il est désormais pleinement dans la préparation olympique du point de vue de ses convictions quant à savoir ce pourquoi il y va et avec un objectif fixé que l’on ne se cache pas, c’est une médaille d’or bien sûr. D’un point de vue des atouts, nous nous étions vraiment fixés d’être polyvalent car les conditions météo vont être variées sur le site, on change également souvent de zone de navigation et il faut être vraiment fort dans ses capacités d’adaptation. La Skandia Sail for Gold Regatta qui vient de s’achever a vraiment été une évaluation grandeur nature et nous avons vraiment pu objectiver que nous étions dans les clous par rapport à cette polyvalence souhaitée et cette capacité à être bon quelles que soient les conditions. Mais on ne va pas crier victoire, il reste encore un peu moins de 2 mois, le niveau est très élevé et il faut travailler désormais dans l’affinement de chaque point pour faire à chaque fois des manches dans les 3 premiers. D’un point personnel, cette préparation olympique est une satisfaction personnelle  car elle correspond le mieux à ma conception des choses, notamment concernant le vrai travail d’équipe mais cela ne présume pas du résultat final !

 

WJ : En parlant du travail d’équipe, il y a eu une petite nouveauté dans cette préparation olympique avec l’arrivée dans l’équipe d’Antoine Albeau… Comment est née cette idée de rapprochement et qu’a concrètement apporté FRA-192 ?
PC : C’est une réflexion que nous avons eu au début de la préparation olympique. Julien était très bon dans le vent à l’époque de la Mistral One Design, lorsque l’on a changé de support avec la RS:X, l’olympiade à Qingdao laissait entrevoir du vent léger et nous avons donc développé des qualités spécifiques à ces conditions. Pour Weymouth, nous nous sommes vite rendu compte qu’il fallait être très polyvalent et surtout retravailler sur les conditions de planing. Il nous fallait des gens très forts, qui allaient très vite sur l’eau dans ces conditions et rapidement, nous avons pensé à Antoine Albeau qui a une culture de la planche, qui connaît le support à dérive, qui a aussi une approche de la préparation très proche de la nôtre, il est très rigoureux, très perfectionniste. Au début, c’était un peu délicat, on se posait des questions concernant son adaptation par rapport au support, son gabarit plutôt atypique par rapport à nous. Nous avons tenté le coup sur un stage en Martinique où les conditions devaient être adaptées et ce qui est étonnant, c’est qu’avec des conditions pas exceptionnelles durant cette semaine, nous avons énormément progressé dans nos échanges, Julien, Antoine et moi. Ça a été très constructif et naturellement, nous avons voulu reproduire ça l’année suivante avec des conditions adaptées et nous avons fait des bonds au niveau des réglages, de la conception des routes à prendre sur un parcours, etc… Cet échange d’expérience a été et reste encore très productif, notamment de la part de quelqu’un qui est aussi un metteur au point !

 

WJ : La RS:X est un support monotype, tout le monde part donc à armes égales mais avec l’apport d’Antoine Albeau, la notion de réglages semble avoir pris beaucoup plus d’importance ?
PC : La planche RS:X n’a pas tellement de possibilités de réglages par rapport à d’autres bateaux comme le 470. Du côté du gréement en revanche, chaque réglage est obtenu par une interaction d’un réglage vers un autre et ça c’est une chose qu’en effet Antoine Albeau nous a permis de mieux mettre en lumière. En fonction des conditions, il faut vraiment avoir des adaptations de creux, de chute de voile et c’est une expertise qui est très longue à acquérir et la présence d’Antoine Albeau nous a permis d’avoir pas mal de raccourcis dans ce domaine afin de permettre à Julien d’être dans l’adaptation instantanée. On a beau être une monotypie, d’une voile à l’autre, d’un aileron à l’autre, il peut vraiment y avoir des différences significatives et donc une adaptation. L’idée est que le premier jour des Jeux, lorsque le matériel est tiré au sort, nous soyons capables de l’analyser et le rendre ainsi performant en fonction de ses spécificités.

 

WJ : Pour beaucoup de gens, le terme de préparation olympique reste très obscur, comment est-ce que cela s’organise par exemple à 12 mois des Jeux ?
PC : Sur la dernière année, l’objectif est clairement la gestion de l’état de forme car les Jeux Olympiques sont une épreuve qui coûte très cher, physiquement et psychologiquement, il est impératif d’arriver avec une préparation physique optimum et une envie d’en découdre au summum. Toute la planification part de là et l’alternance des stages et des périodes de récupération sont conçues sur cette base. En début d’année, nous faisons un bilan de nos acquis par rapport à l’échéance qu’il nous reste et nous évaluons les points sur lesquels nous avons encore des possibilités de progresser. Nous essayons vraiment de faire une photographie de nos qualités et de notre potentiel à J moins de 10 mois environ. En fonction de ça, nous choisissons des thèmes de travail.

 

WJ : Tu as une certaine expérience et habitude des Jeux Olympiques, on dit toujours que c’est une épreuve à part, pour quelles raisons ?
PC : La densité du niveau est déjà quelque chose de très important, c’est unique. Même sur un championnat du monde, c’est difficile de retrouver un tel tableau, de tels sportifs et surtout un tel niveau de motivation. Les JO, c’est au minimum 4 ans de travail, c’est même souvent beaucoup plus pour certains, 8 ans, 12 ans voire même 16 ans car certains courent après une sélection olympique depuis le début de leur carrière. Le niveau d’investissement et de motivation est inégalable par rapport à d’autres épreuves. Ce sont 2 paramètres forts avec une recherche de l’excellence permanente qui explique la particularité de cette épreuve. Et puis il y a tout l’entourage qui fait la grandeur de l’épreuve, la médiatisation, la pression, les attentes, les familles, le staff, le Ministère, etc… Ça rend cette épreuve totalement atypique et ça donne parfois des résultats qui ne sont pas prévues sur les tablettes initialement.

 

WJ : Cette préparation olympique restera atypique avec la décision de l’ISAF prise le 5 mai dernier d’évincer le windsurf des JO de Rio de 2016 au profit de la pratique du kitesurf. Est-ce quelque chose sur lequel vous avez "travaillé" et surtout est-ce une nouvelle donne qui peut avoir son importance aux Jeux en se disant que l’on peut être le dernier windsurfer médaillé aux Jeux avant un moment ?
PC : Oui l’information est tombée pendant un week-end et dès le lundi, nous attaquions un stage et logiquement ça a fait l’objet de nombreuses discussions. C’est un sujet qui a été omniprésent pendant le stage surtout pour les jeunes partenaires d’entrainement qui eux avaient une projection sur 2016. Nous avons fait le choix d’en discuter, d’en parler librement. Pour Charline Picon et Julien Bontemps, c’est un élément nouveau mais l’objectif final est tellement fort que ce n’est pas pour eux que l’impact de cette décision est le plus fort. C’est peut-être en effet la dernière olympiade en planche et ça peut amener une autre motivation mais Charline comme Julien savent aussi mettre des priorités aux objectifs. Nous avons passé 15 jours à discuter, voir ce que peut être l’avenir, la possibilité de changement en novembre prochain mais la priorité pour eux maintenant, c’est les Jeux !

 

Photos : Lionel Cottin/FFVoile - Jean-Marie Liot/DPPI/FFVoile

tags: interview Pascal Chaullet Jeux Olympiques Londres 2012

Articles similaires

Facebook Live - Interview Antoine Albeau

A voir ou à revoir, notre interview Facebook Live réalisée ce vendredi 6...

Facebook Live - Interview Bruno André

A voir ou à revoir, notre interview Facebook Live réalisée ce vendredi 6...

Facebook Live - Interview tridem

A voir ou à revoir, notre interview Facebook Live réalisée ce vendredi 6...
comments powered by Disqus
Gestion de vos données sur le site Windsurfjournal
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies ou autres traceurs pour vous proposer par exemple, des publicités ciblées adaptées à vos centres d’intérêts ou encore réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus fermer