En remportant dernièrement l’Aloha Classic, Morgan Noireaux renoue avec la victoire huit ans tout juste après sa dernière couronne à Hookipa. Waverider qui a su se réinventer et sortir de sa zone de confort à Maui, il revient avec Windsurfjournal.com sur cette belle première place qui le place à égalité avec un certain Robby Naish concernant le nombre d’éditions remportées !
Windsurfjournal.com : Morgan, félicitations pour ce quatrième titre à l’Aloha Classic ! Après plusieurs années sans victoire à Hookipa, qu’est-ce que cette première place représente pour toi ?
Morgan Noireaux : Merci beaucoup. Effectivement, ça faisait plusieurs années maintenant. La dernière fois que j'ai gagné, c'était en 2017, alors ça fait huit ans à présent. Et on a eu 5 Aloha Classic entre temps quand même. Et pour moi, ça représente beaucoup de temps à l'eau, beaucoup de travail et beaucoup de défaites aussi. Parce que dans ces huit ans, j'ai malgré tout perdu pas mal de fois. J'ai eu du mal à arriver en finale. J'ai fait des quarts et les dernières années, j'ai fait des demi-finales. Et je pense que c'est ça qui m'a vraiment motivé. Et je suis aussi assez fier du fait que j'ai eu des demi-finales et des finales qui étaient plutôt compliqués. J'ai mal commencé ces deux heats. Et le fait qu'à la fin, j'ai quand même réussi à revenir, c'est ça pour moi, je pense que ce qui me rend le plus heureux, c'est que j'ai réussi à revenir des impasses dans lesquelles je m'étais retrouvé. Et ouais, je suis hyper content.

WJ : On a senti que tu étais particulièrement en forme pendant la finale, avec des manœuvres puissantes et très engagées. Peux-tu nous raconter ton approche technique et mentale pendant ce dernier heat ?
MN : C'est drôle comment les choses peuvent être perçues différemment de la plage par rapport à sur l'eau. Parce que pour le coup, en finale, je n'avais vraiment pas l'impression d'avoir bien commencé. Dans ma tête, je m'étais dit avant la finale, Morgan, soit tu vas gagner, soit tu vas faire quatrième, mais tu vas tout donner. Et en fait, je me suis retrouvé au début du heat à ne pas trouver de vagues. Robby Swift et moi étions totalement hors de rythme avec l'océan. Pendant ce temps-là, je voyais Marcilio Browne et particulièrement Bernd Roediger qui étaient sur toutes les bonnes vagues. Et au bout d'un moment, je me suis dit, Morgan, de toute façon, même si tu n'es pas sur les plus grosses, tu ne vas pas gagner sans naviguer. Et j'ai réussi à me prendre une vague avec un turn et un gros aerial. Et je ne savais pas trop comment ça allait scorer, mais je savais que j'avais au moins une vague pas mal. Et après, j'ai commencé à tenter des manœuvres sur des vagues un peu plus petites. Je suis tombé plusieurs fois. Et après, à la fin, j'ai quand même réussi à avoir cette vague avec un 360 et l'aerial qui m'ont suffi. Mais pour moi, c'était juste vraiment de me dire, Morgan, il suffit de deux vagues. Et il faut juste deux vagues pour gagner la compétition. Et c'est ça que je me répétais jusqu'au bout. Et c'est vrai qu'à la fin, c'est ce qu'il fallait. Je ne savais pas ce qu'avaient fait les autres. Même avec la bonne vague à la fin, je ne pensais pas que j'avais gagné. Je me disais dans ma tête que j'avais fait deuxième ou troisième. Mais je suis très content qu'à la fin, ç'a suffi.
WJ : Ton frontside 360 suivi d’un aerial a marqué un tournant dans la finale. Était-ce une manœuvre que tu avais prévu ou une réaction instinctive aux conditions du moment ?
MN : Oui, cette vague avec le 360 et l'aerial est réellement arrivée au bon moment. J'en avais besoin. Je savais que je n'avais pas de score incroyable jusque-là. Et je pense que j'essaye de laisser les vagues décider pour moi ce que je vais faire. Mais c'est vrai que derrière, dans ma tête, je me disais, j'aimerais bien trouver une vague avec une bonne section pour un 360. Et quand je l'ai pris, j'ai vu qu'il y avait le potentiel pour ça. J'étais en 5.0 par contre, et j'étais un peu toilé sur la vague. Et normalement, si j'étais en 4.7, je pense que j'aurais fait un 360 qui était un peu mieux. Mais bon, j'ai réussi, je suis retombé bien en haut de la vague. Et à la fin, c'était bien parce que ça m'a permis d'être jusqu'où il fallait pour faire l'aerial. Et oui, j'étais vraiment hyper content. J'ai fait un gros claim et tout. Ce n'était pas que je pensais que j'avais gagné, mais c'était juste après une finale qui jusqu'à maintenant était assez frustrante pour moi. J'étais juste heureux d'avoir une vague où je me suis dit, bon, c'est cool, j'ai un bon score, et au moins je suis dans la finale. Je suis dedans et je me donne une petite chance.

WJ : Après deux demi-finales frustrantes en 2023 et 2024, comment as-tu réussi à transformer cette déception en motivation pour revenir au sommet ?
MN : Oui, d'avoir fini cinquième ces deux dernières années, c'était très frustrant pour moi. J'étais à ça de prêt à être en finale et je n'ai pas réussi. Mais j'ai transformé cette frustration en motivation pour cette épreuve. Encore une fois, je me suis retrouvé en demi-finale et j'étais vraiment mal parti. J'avais passé les trois quarts du heat sans réellement prendre de bonnes vagues. Je savais que j'avais une bonne chance, que j'étais dernier dans le heat. Et en regardant le live après coup, effectivement, j'étais dernier. Et je me rappelle que j'étais sur l'eau et je me suis dit, Morgan, je refuse de perdre et d'être cinquième encore. Alors trouve une solution, fais quelque-chose. Et c'est à ce moment-là où j'ai réussi à prendre deux vagues, je pense en deux minutes. Et j'ai eu deux gros scores. Et je crois que c'est ce heat là où j'ai eu le plus gros score de la compétition. Et ça, c'était réellement un super moment pour moi. Et je pense que ça m'a donné beaucoup d'élan et beaucoup de confiance pour la finale. Alors oui, j'étais content. C'était un bon moment.
WJ : En remportant ce titre, tu entres dans un club très fermé aux côtés de légendes comme Robby Naish, également quadruple vainqueur de l’Aloha Classic. Que représente pour toi cette comparaison ?
MN : Oui, c'est assez dingue de me retrouver avec Robby Naish en étant les deux seules personnes à avoir quatre Aloha Classic. Il a une carrière qui est tellement exceptionnelle et c'est vraiment une légende du sport. Et c'est incroyable. Mais pour moi, ça me donne beaucoup de motivation d'essayer d'en avoir plus que quatre. J'aimerais bien être le seul à en avoir cinq ou six. Et ça, je pense que pour les années qui suivent, c'est réellement mon but, c'est d'avoir plus de quatre victoires sur l’Aloha Classic. J'aimerais beaucoup en avoir cinq et éventuellement plus. Mais d'en avoir une cinquième, c'est un des plus gros buts pour le moment. En sachant que je suis à égalité avec Robby Naish, si je pouvais le battre au moins dans une chose, ça serait vraiment incroyable.

WJ : La victoire a aussi eu un impact sur le titre mondial, offrant à Marc Paré sa première couronne de champion du monde. Étais-tu conscient de cet enjeu pendant la finale ?
MN : Oui, j'étais conscient de ce qu'il se passait pour le titre de champion du monde. C'est vrai qu'à la fin, c'était quand même assez simple. Je pense que tout le monde le savait même avant la compétition. Pour Marcilio Browne, en fait, son seul chemin à la victoire, c'était de gagner l’Aloha Classic. Alors, je pense qu’en raison de ça, j'étais plutôt dans le camp de Marc Paré. Parce que mon but, c'était de gagner la compétition aussi. Et si je voulais la gagner, il allait bien falloir que je batte Marcilio Browne. Et c'est ce qui a fini par arriver. Mais bon, c'était drôle de jouer un petit rôle là-dedans. Et je suis vraiment hyper heureux pour Marc. C'est absolument mérité.
WJ : Après plus de dix ans au plus haut niveau, comment vois-tu ton évolution en tant que compétiteur et rider ?
MN : Je pense que clairement, la plus grosse évolution que j'ai eu ces dix dernières années, c'est mon niveau dans toutes les conditions en dehors de Maui. Quand j'avais 19-20 ans, les deux premières années où j'avais gagné l’Aloha Classic, je ne savais vraiment bien naviguer que dans du tribord qui était side ou side-off. Et ces dix dernières années, j'ai passé beaucoup de temps à essayer de m'améliorer dans du bâbord onshore, bâbord offshore, même du tribord onshore. Et je pense que j'ai réussi. Je pense que j'ai atteint un niveau quand même plutôt respectable un peu partout. Même dans les conditions dans lesquelles je galère toujours un peu, comme à Pozo Izquierdo, je peux tout de même faire de beaux double loops maintenant, je peux faire à peu près tous les sauts. Je n'ai pas le niveau de Philip Köster, mais c'est ça qui rend les choses intéressantes pour moi, cette progression. Et de toujours avoir des choses à apprendre et toujours essayer de viser plus haut. Et c'est vrai que j'espère pouvoir continuer à faire ça le plus longtemps possible parce que c'est vraiment ça que j'adore.
Source : Morgan Noireaux
Photos : Fish Bowl Diaries