Martin Gaveriaux, l’interview

08/07/2011

Discret, sans faire de bruit mais faisant preuve d’une détermination exemplaire, le français Martin Gaveriaux vient de signer dernièrement une performance qui fera date… Parmi les participants du Record SNSM qui se déroulait les 19 et 20 juin derniers en Bretagne, le jeune windsurfer de 26 ans est resté plus de 21h30 sur sa planche afin de boucler le parcours aller-retour de 180 milles nautiques entre Saint-Nazaire et Sainte-Marine. Rencontre avec un "aventurier du windsurf" comme il n’en existe plus…

 

Windsurfjournal.com : Tu t'étais fait remarquer en janvier 2010 lors de la traversée malheureusement avortée entre les Etats-Unis et Cuba... Pourquoi ce nouveau challenge avec Le Record SNSM, comment est venue l'idée d'y participer ?
Martin Gaveriaux : Les raisons qui m'ont motivé à me lancer dans ce nouveau défi sont sensiblement les mêmes que celles qui m'ont incité à traverser le détroit de Floride début 2010. J'aime la planche à voile, la longue distance, les défis et j'ai toujours envie d'aller plus loin. Pour Le Record SNSM, il y a en plus le fait de courir pour la SNSM, au milieu de bateaux de toutes tailles, et dans le cadre d'un très bel évènement. Je souhaite m'orienter vers la course au large et y consacrer mes qualités de sportif et d'ingénieur, et j'avais très envie de réaliser ce parcours de 180 milles nautiques en Bretagne Sud car j'y suis très attaché, en particulier les abords de Belle-Ile où j'ai appris à faire de la planche à voile. Je n'avais jamais entrepris un si long parcours en planche à voile, je n'avais jamais navigué pendant toute une nuit, ni même navigué plus de 9h30 d'affilée. Le challenge était bien là, je voulais y aller et je me sentais capable de le faire. Quand j'ai pensé à participer au Record SNSM à la fin de l'année dernière, je me suis demandé pourquoi je n'y avais pas pensé plus tôt...

 

WJ : Passées les autorisations et l'accord des organisateurs, comment se prépare-t-on physiquement, logistiquement et matériellement pour une telle épreuve ?
MG : Je me suis appuyé sur ma préparation physique réalisée dans le cadre de mon projet sportif en planche à voile olympique, et je réalise régulièrement des navigations longues et des parcours de longue distance. Ce sont ces expériences qui m'ont permis d'envisager de réaliser le parcours de 180 milles du Record SNSM. Physiquement, je suis allé vraiment plus loin que tout ce que j'ai pu entreprendre précédemment, c'était une épreuve enrichissante de ce point de vue car j'ai expérimenté un nouvel état de fatigue physique. Cela fait partie des choses que je suis venu chercher en m'engageant dans ce défi. Au niveau logistique, ma priorité était de sécuriser mon projet car c'est le plus important dans ce type de défi, et puis c'est Le Record SNSM ! Je disposais déjà d'un certain nombre d'équipement, un GPS, une balise de détresse Cospas-Sarsat, une lampe clignotante, un feu à main, une mini-fusées de détresse. Je suis allé chercher ce dont j'avais besoin comme une VHF ou une balise de positionnement, et en particulier tout ce qui concernait la navigation de nuit (feu de mât, lampe frontale, projecteur pour le bateau accompagnateur). Bien sûr, pour réaliser ce type de longue distance dans de bonnes conditions de sécurité, le bateau accompagnateur est l'élément de sécurité le plus important, il est indispensable. J'ai amené plusieurs planches et gréements pour être en mesure de m'adapter au mieux aux conditions météorologiques et pour en mettre à bord du bateau accompagnateur en cas de casse.

 

WJ : Pour quel matériel as-tu opté et pour quelles raisons ce choix ?
MG : Exocet m'a soutenu pour ce défi en me mettant à disposition leurs modèles X2 et D2. Je me suis entraîné dans des conditions de vent variées sur ces deux flotteurs et en changeant les gréements. La planche hybride X2 qui mesure 3,50 mètres avec un volume de 230 litres est vraiment adaptée pour faire de la longue distance, c'est une planche impressionnante de facilité à toutes les allures et même quand le vent monte. Dans les petits airs, la D2 est plus performante, sa forme et son très grand volume permettent de se caler très vite au près avec une bonne vitesse. Elle est également agréable à naviguer au planing, bien que plus exigeante techniquement. J'ai choisi d'utiliser l'Exocet X2 pour cette 7ème édition du Record SNSM car la prévision de vent était soutenue. Je pense avoir économisé une énergie considérable en confort de navigation en réalisant ce choix de planche. Côté gréement, j'ai navigué avec la voile Coach 9.5 m² développée par Christophe Boutet et Laurent Allard de la voilerie All Purpose, gréée avec un mât et un wishbone RS:X. Ce gréement était plus léger qu'un gréement RS:X complet, paramètre important quand le chemin à parcourir est long ! La Coach 9.5 est performante dans les petits airs et se tient bien au planing. J'étais aussi satisfait de ce choix de voile lors des moments où le vent était moins consistant: en particulier au moment du départ du Record SNSM, et surtout sur la fin de parcours entre Belle-Ile et Le Croisic où j'ai traversé une zone moins ventée qui m'a fait perdre régulièrement le planing.

 

WJ : La navigation de nuit, c'est quelque chose que tu connaissais déjà, que tu as dû préparer et comment cela s'est-il passé ?
MG : J'ai passé plusieurs nuits en mer, mais toujours en bateau comme sur le Tour de France à la Voile. J'avais une idée de ce que cela pouvait donner sur ma planche. J'ai fait des essais de nuit pour tester mes éclairages et la précision de mon GPS. Passer toute une nuit en mer, c'est autre chose. Je m'attendais à ce que cela soit difficile, et cela a même été très difficile dans les conditions de vent et de mer rencontrées au cours de la nuit du 19 au 20 juin derniers du côté de Belle-Ile. Cette nuit-là, la visibilité était très mauvaise et la mer assez formée, je subissais les vagues que je ne voyais pas et j'ai laissé beaucoup d'énergie liée à mon bateau accompagnateur. Je me suis arrêté très régulièrement pour réduire l'écart qui nous séparait chaque fois que j'estimais que j'étais en limite de visibilité, et j'ai même fait une fois demi-tour sur environ 400 mètres au planing pour le retrouver car il m'indiquait à la VHF qu'il ne me voyait plus, un arrêt n'a pas suffi cette fois-là. Quand il y a encore les trois quarts du parcours devant moi et qu'une certaine fatigue se fait déjà sentir dans mes jambes, le moment est difficile mentalement. J'étais content de voir le jour se lever, même si la visibilité était toujours mauvaise, je voyais les vagues et pouvait ainsi conduire efficacement ma planche, ce qui est nettement moins fatiguant ! Dans des conditions plus calmes ou avec une bonne visibilité, cela aurait été très différent.

 

WJ : Qu'est-ce qui est le plus difficile lorsque l'on passe plus de 21 heures sur sa planche ?
MG : Les mains sont mises à rude épreuve, c'est ce qui a été le plus douloureux. La pression exercée sur le wishbone, à la longue, est responsable de ces douleurs. J'avais les mains très sensibles à mon arrivée, cela s'est arrangé dans les jours qui ont suivi. J'avais les pieds un peu "blancs" à force d'être dans l'eau mais cela ne m'a pas dérangé. J'ai eu également des irritations avec ma combinaison au niveau du cou. Dans l'ensemble, j'ai très bien supporté cet effort. Ma récupération a été plus longue qu'habituellement mais cela paraît normal, je suis d'ailleurs assez content de la manière dont j'ai récupéré. Tout mon corps a été sollicité, je l'ai senti à mon arrivée lundi 20 juin en fin d'après-midi, et aussi au réveil le lendemain matin!

 

WJ : Si c'était à refaire, que changerais-tu ou améliorerais-tu dans ta préparation, ta traversée ?
MG : Je suis globalement très satisfait de ma préparation pour ce défi. Il y a un certain nombre de choses qui peuvent rapidement faire basculer un défi difficile en un défi très difficile, et j'ai peu rencontré cette situation lors du Record SNSM. Le choix de matériel, par exemple, est primordial. J'ai rencontré des difficultés en particulier au niveau du bateau accompagnateur. Comme je le disais précédemment, c'est l'élément de sécurité indispensable pour une longue distance de ce type. La mission de l'équipage qui est à bord est une mission difficile, et elle l'est d'autant plus quand le vent est fort, quand la mer est formée et de face, et quand la visibilité est très réduite. Il est très important que le bateau puisse suivre sans problème, ce qui n'est pas toujours simple... Pour un futur projet, je mettrai une énergie conséquente pour trouver un bateau capable d'être rapide dans une mer formée, tout en restant accessible depuis ma planche, et avec une grande autonomie. J'utiliserai également des éclairages plus forts afin d'améliorer de nuit ma distance de visibilité pour les personnes à bord du bateau accompagnateur.

 

Photos : Bruno Bouvry/Imagesdemer.com

tags: interview Martin Gaveriaux Le Record SNSM

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