Marine Hunter, l’interview

16/05/2025

Victorieuse de la Windsurf World Cup Sylt en Allemagne en automne 2023, la Française Marine Hunter était quelque peu sortie des radars ces derniers, pour mieux revenir dernièrement et remporter la Maui ProAm à Hookipa ! Pour Windsurfjournal.com, elle revient sur cette victoire et ses dix années passées déjà sur le tour PWA.

 


Windsurfjournal.com : Nous étions restés sur ta victoire à Sylt en octobre 2023, suivie d'une saison 2024 plus mitigée en termes de résultats... Et on te retrouve à Maui en avril 2025 avec une victoire à Hookipa. Qu'as-tu fait durant cette période ?
Marine Hunter : 2023 était déjà assez mitigée comme année, à part Sylt j'ai perdu quasiment tous mes heats, ça fait deux ans que s’est compliqué pour moi et que je sens que je décroche par rapport aux autres rideuses. J'ai traversé une grosse période difficile sur le plan personnel avec des blessures entre autres, beaucoup de doutes par rapport aux compétitions, beaucoup de changements et de pertes de repères... Je ne suis vraiment pas arrivée à Maui au meilleur de ma forme. Heureusement, j'ai eu la chance de trouver un travail et un logement stable là-bas. Mais j'ai dû faire face à la disparition de mon frère Lucas en Colombie en janvier qui a été emmené de force au Venezuela par l'armée vénézuélienne et dont on n'a pas de nouvelles depuis. Honnêtement, ça ne fait que deux mois que je commence à profiter vraiment de Maui et naviguer comme avant, je sors vraiment d'un gros passage à vide. Et Hookipa est un spot éprouvant pour les nerfs, c'est physique, technique, rarement facile. C'est un petit spot avec toujours du monde à l'eau et un gros niveau, on a vite une taille de mât et je n'étais pas habituée à ça. Les navigations étaient rarement relaxantes. Certains jours j'étais stressée en arrivant sur le spot et en voyant la taille du swell. Et j'ai pas mal bossé pour pouvoir financer la vie sur place qui est très coûteuse depuis le Covid, le rythme au quotidien était soutenu. J'ai également rejoint le groupe d'entrainement de Sarah Hauser pour la préparation physique où j'ai beaucoup appris ! J'avais l'impression de m'entraîner avec Federer et Nadal version windsurf à faire des pompes avec Marcilio Browne et Robby Swift !

 

WJ : Tu as visiblement pris le parti de passer du temps à Maui ces derniers mois. Pour quelles raisons et dans quel but ?
MH : Ça faisait très longtemps que j'en avais envie, et je pouvais me le permettre grâce à ma double nationalité. Je ne savais pas trop dans quelle direction me tourner en 2023 et j'avais une certaine frustration de rester à Paris avec des demandes de mutation qui n'aboutissaient pas. J'étais assez démotivée et j'avais besoin de partir. J'ai pu prendre une année sabbatique et j'ai enfin pu faire une "vraie" saison en passant tout l'été aux Canaries, puis Sylt et Hawaii. Mais c'était dur de prendre les billets sans trop savoir ce qui m'attendait sur place. J'avais un boulot qui devait durer un mois et un logement pour deux semaines. Mais je sentais que je ne pouvais pas faire autrement. Je n'avais pas de plan B, il fallait que j'y aille. 

 


WJ : Pourrais-tu nous résumer cette épreuve à Hookipa et la manière dont elle s'est déroulée pour toi ?
MH : Les compétitions étaient devenues un stress du résultat et plus une recherche de performance personnelle, l'objectif était d'arriver à dépasser ce stress pour voir si je pouvais revenir en compétition et en profiter à nouveau. Le stress était toujours là mais j'ai essayé de m'attacher à faire ce que j'aimais faire sur l'eau plutôt que d'établir une stratégie. Rester dans un cadre ne me réussit pas toujours. En plus, on a eu des conditions géniales, c'était moins facile pour les sauts honnêtement avec un vent side-off et irrégulier comme souvent ici, et je sais qu'un de mes forward loops est passé à la trappe en tour de repêchage car sûrement caché par les vagues, les juges étant sur la plage et non sur la butte, ce qui a dû limiter leur champ de vision. Heureusement pour moi, ça ne m'a pas coûté la finale, mais ça n'est pas passé loin et ç'a été le cas pour d'autres. J'étais déjà super contente de passer en finale, mais le début a été laborieux avec une baignade qui a un peu duré pour commencer le heat. Le début était mal engagé mais je me suis dit que c'était possible, on avait 17 minutes de heat et quand même assez de vagues pour faire quelque chose. J'ai pris vague sur vague, et gros coup de chance, j'étais bien placé pour prendre une vague sur un set en fin de heat au bon moment, j'avais perdu la notion du temps et je n'étais pas sûre qu'elle serait comptée. Je gagnais sans cette dernière vague mais ça ne fait pas de mal d'enfoncer le clou, j'ai vraiment fait une belle remontada. Bravo à toutes les rideuses qui ont montré de quoi elles étaient capables, Colette Guadagnino n'avait pas navigué ici depuis 2 ans je crois et a envoyé les plus gros forwards de la compète. En tout il m'aura bien fallu 6 mois pour me sentir à l'aise sur ce spot !

 

WJ : Même si quelques-unes des meilleures mondiales n'étaient pas au rendez-vous, s'imposer à Hookipa, ça reste quand même quelque chose dans une carrière ?
MH : Pour une épreuve 4 étoiles effectivement c'est normal de ne pas avoir tout le monde. Et pendant longtemps, j'ai regardé qui manquait à une compète pour voir si mon résultat valait vraiment quelque chose, j'avais du mal à voir la valeur de ce que je faisais parce que je me comparais aussi aux compétitions hommes, mais là aussi on peut regarder qui n'a pas été présent lors de la compète. Est-ce que ça enlève quelque chose au gagnant? Je laisse le débat ouvert, et je retiens les commentaires de ceux qui m'ont dit que j'avais très bien ridé. Pour moi le plus important est de me faire remarquer sur l'eau, le résultat me fait plaisir mais c'est un bonus. Je suis très contente d'avoir gagné devant des rideuses qui ont fini devant moi à chaque Aloha Classic en tout cas.

 

WJ : Cette victoire, bien qu'il s'agissait d'une épreuve 4 étoiles, te donne-t-elle des idées pour la suite de la saison sur le circuit PWA WWT ?
MH : Je ne ferai pas tout le tour cette année. Honnêtement j'ai besoin d'une pause et de retrouver le sens de mon parcours en compétition parce que je le disais plus haut, je commençais à stresser sur l'eau au point de perdre mes moyens et de ne me focaliser que sur le résultat. Perdre tous ses heats après une certaine progression ce n'était plus très motivant non plus. 

 


WJ : Quel regard portes-tu sur l'évolution du sport et la place des femmes au sein du circuit mondial au fil de cette dernière décennie ?
MH : Quand j'ai commencé la PWA en vague, il fallait savoir faire un forward loop pour passer un tour, maintenant il faut savoir passer un forward et un back loop. Le niveau n'a fait que monter en vague, le top 5 est devenu assez homogène et les écarts de niveau se sont pas mal réduits. Franchement sacrée décennie quand on y pense, avec les premiers doubles tentés par Daida Moreno et Maria Morales, Sol Degrieck qui fait déjà des podiums chez les adultes alors qu'elle n'a pas encore 18 ans, Justyna Sniady qui passe les back loops dans toutes ses variations possibles, Sarah Hauser qui a le record de la plus grosse vague windsurfée par une femme à Jaws, Sarah-Quita Offringa qui domine maintenant 3 disciplines. Il y a aussi des grosses progressions comme celle de Pauline Katz qui s'est lancée dans le sport depuis peu et qui finit dans le top 4 de l'Aloha Classic pour sa première participation, Lina Erpenstein qui continue de se rapprocher du titre mondial et qui gagne en niveau chaque année... Quand les femmes se donnent les moyens et qu'on leur donne ceux qu'elles méritent, ça marche ! On l'a aussi vu en slalom avec Justine Lemeteyer qui explose les compteurs depuis 2022 et qui n'a que 22 ans, les nouvelles générations poussent très fort. Côté prize money grâce aux sœurs Moreno, on aura eu deux années de Pozo avec un prize money strictement égal à celui des hommes, donc encore mieux que celui qu'on a aujourd'hui qui s'arrête au top 8, quel que soit le nombre de participantes, et c'est une vraie chance d'avoir pu vivre ça, ne serait-ce que sur le plan de l'estime de soi. Rien n'est jamais acquis sur le plan de la place des femmes en compétition, comme en société en tout cas, ça, c'est une certitude. Après de manière plus générale, je trouve que le discours sur les compétitrices s'est déplacé plus vers leurs performances sur l'eau que sur leur physique, ce qui traduit une considération plus respectueuse des rideuses en tant qu'individus plutôt que comme les reflets d'une certaine culture des années 80 que je suis soulagée de n'avoir pas connue à ce degré. Pour résumer, encore beaucoup de choses à améliorer sur la place des femmes et de choses à accomplir mais c'est une belle décennie!

 

WJ : À 32 ans et une décennie d'expérience au plus haut niveau en vagues, que peut-on te souhaiter pour la suite ?
MH : Pour aujourd'hui, revoir mon frère, c'est ce que je souhaite le plus. Si vous souhaitez m'aider, vous pouvez vous inscrire à la newsletter sur le site Freelucas.com, et surtout dissuadez toutes les personnes que vous connaissez de se rendre au Venezuela, même les binationaux. Il y a plus 250 étrangers de 52 pays qui ont été arrêtés et détenus arbitrairement, sans recours légal. Le gouvernement français ne parle pas du cas de mon frère, on a du mal à se faire entendre. Merci à tous pour votre soutien !

 

Source : Marine Hunter
Photos : Fish Bowl Diaries

tags: Marine Hunter PWA WWT World Wave Tour MFC Maui ProAm

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