L'oeil de Charliboy

29/09/2014

Waverider originaire du Nord de la France et installé à Tahiti en Polynésie française depuis quelques années, Charles Vandemeulebroucke alias Charliboy a eu le privilège de vivre une session épique de windsurf sur le spot de Teahupoo le samedi 27 septembre dernier, le tout en compagnie d’un certain Kauli Seadi. Récit d’une session mémorable qui restera dans les mémoires du français et sans doute aussi du plus talentueux des waveriders brésiliens…

 

"2 ans que je vis près de cette vague, 2 ans que je rêve d'y poser mes ailerons de windsurfer dans de solides conditions, 2 ans que je scrute la météo… Avec du recul, il fallait bien ce temps pour m'habituer aux vagues tahitiennes et je sais maintenant qu'y aller trop tôt aurait été une erreur qui se paie comptant !
J'avais eu quelques sessions par ci par là avec des vagues moyennes ou du vent mal orienté mais les prévisions de la semaine dernière s'annonçaient parfaites… Jeudi déjà, le spot fonctionnait très bien et au milieu des jet-skis du tournage de Point Break 2, on pouvait entrevoir une belle session de windsurf.
Vendredi, j'expédie la fin de mon travail et poignet dans le coin je rejoins la passe de Havae (Teahupoo) sur mon bolide des mers ! En arrivant, surprise, une voile, toute seule, sur le spot. Un certain BRA-253 s'engage plus que de raison sur le West Bowl de la vague. Le vent est irrégulier, la houle un peu trop ouest ce qui rend la vague encore plus creuse… Attention danger ! C'est une session d'échauffement pour le lendemain, il s'agit de rentrer entier et avec le matos. Kauli Seadi, très gourmand, se fera d'ailleurs surprendre en sortie de vague par une suivante qui décale plus loin dans le channel … La water patrol réagit vite évidemment, il est récupéré rapidement, tout est bien qui finit bien pour lui… Pour moi quelques bonnes vagues sans trop de prise de risque, je suis fatigué, la semaine de travail a été longue, il faut garder du jus pour demain. Discussion avec mon partenaire du jour, je lui lance entre 2 séries au large :
- "Ce sont les meilleures prévisions que j'ai vu ici pour demain"
- "REALLY ?? Oh F**k nice, see you tomorrow so"
- "Yeah Brad, see you in Hell"
Samedi 27 septembre, 6h, la houle n'a cessé de forcir toute la nuit, de chez moi sur le lagon, on n'entend plus qu'un grondement continu, préparation du matos, coup de téléphone au pêcheur qui m'emmène en bateau, un ami fera office de photographe. Avec une telle houle, il te faut un gros bateau pour être tranquille au spot, pouvoir rester concentré uniquement sur le ride, rien d'autre à gérer. Le rendez-vous est pris à 12h à la marina. 4h de travail plus tard, tout le monde est à l'heure, le soleil brille, le vent souffle très bien, parfaitement orienté et la houle est encore montée d'un cran on est maintenant en Code Red, tow-in session…
Je m'arrête un instant… Est-ce vraiment une bonne idée ? La seule réponse qui s'impose comme souvent : il n'y a qu'une seule façon de le savoir..!
Matériel chargé, Isaac le pilote met les gaz.  Le spot est vide, personne à l'horizon, je prends le temps d'observer les séries, avec de telles prévisions, il y aura de temps en temps une vague de plus de 15 pieds qui nettoiera toute la zone ne laissant aucune chance à celui qui se trouvera sur son chemin. La question est : quand ? Connaitre le spot et les caractéristiques de la houle du jour sont 2 prérequis indispensables pour celui qui veut rider ici, c'est un spot bien différent de tout ce qui existe ailleurs, la trajectoire, le creux, l'aspiration de la vague et le peu d'espace de sortie en font un endroit assez délicat à gérer. Et pas de 2ème chance…
Un bateau arrive, c'est Kauli Seadi, la voile déjà gréée il se jette à l'eau sans attendre, je finis donc de gréer et le rejoins. Le stress retombe, maintenant que j'y suis il s'agit d'être concentré et non effrayé… Calme, respire, calme, respire… Je connais le spot,  je sais ce que j'ai à faire.
Visiblement lui aussi, en légende qu'il est, il plante un superbe roller sur sa 1ère vague, juste devant moi qui remonte dans le channel. Ça y est c'est parti…
J'en prends une 2ème pas très grosse (6-8 pieds peut être) down the line virage sur l'épaule, la température monte. La vitesse est impressionnante, La vague se forme si vite et aspire tellement d'eau devant elle qu'on a l'impression d'être en permanence en train d'accélérer dans la pente pour essayer de la descendre. Kauli Seadi ne se pose pas ce genre de questions, sur sa 2ème vague, probablement la plus grosse de la session et sûrement la plus grosse jamais windsurfée ici, il remonte la pente vers la lèvre pleine balle voile dégonflée et se fait éjecter dans un aerial d'une autre planète. Il volera ainsi au-dessus de la section et se fera plaquer à l'eau par le souffle de la vague qui l'avalera littéralement… Le matos disparait à tout jamais, lui avec… Je ne le reverrai pas… Passage dans le lagon retour à la maison.  La légende dit que même la planche a été brisée en 2 et que ça cheville serait tordue… Je veux bien le croire, content qu'il n'aille pas plus mal.
Pour ma part, je prends vague sur vague, sans trop de risques jusqu'à ce que la fameuse Big One arrive, je suis bien placé je laisse passer la 1ère par précaution, je m'engage dans la 2ème. Un cube de plusieurs mètres se forme au-dessus de moi, j'ai l'impression d'être à l'entrée d'une grotte tellement le mur est vertical et la lèvre prête à partir. Le vent est bon, j'accélère je choisis ma ligne, celle du bas d'après les conseils des surfeurs de gros locaux et je sors de là rapido. Je tremble, je crois que j'ai vidé toutes mes batteries sur une seule vague !
Je continu ma session pendant environ 2 heures au total, je serai rejoint par 2 amis locaux kiters et 2 équipages en tow-in, on se partage les mégas séries, l'ambiance est bonne, on se croirait presque en vacances !
Pas de casse pour moi, j'ai eu la perfect session. Pas trop de risques pas de malchance, C'était mon créneau. Kauli Seadi, lui n'aura pris que 2 vagues mais son aerial est probablement la chose plus incroyable jamais faite en windsurf. Décidément mon windsurfer préféré, un grand rider avec un gros cœur, respect !!!
Avant de rentrer au bateau je manque de heurter une baleine qui passait par là, la nature est généreuse par ici, nous sommes gâtés aujourd'hui… Vivement la prochaine !"

 

Source : Charles Vandemeulebroucke
Photos : Mathieu Fouliard/Spikyshots

tags: oeil de Charles Vandemeulebroucke Charliboy Kauli Seadi Teahupoo Tahiti

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