Jean-Pierre Champion, l\'interview

11/05/2012

Président de la Fédération Française de Voile et fervent défenseur de la cause windsurf, Jean-Pierre Champion était présent à Stresa en Italie le 5 mai dernier lors du vote du conseil de l’ISAF, vote qui a vu le windsurf évincé au profit du kitesurf pour les prochains Jeux Olympiques de Rio en 2016. En exclusivité pour Windsurfjournal.com, il revient sur cette décision aussi inattendue que surprenante…

 

Windsurfjournal.com : Quelle a été la chronologie des faits jusqu’à ce samedi 5 mai ? Voilà 2 ans que l’on entendait parler de la pratique du kitesurf qui poussait aux portes de l’olympisme ?
Jean-Pierre Champion : Notre position et celle de nombreuses fédérations européennes étaient très claire et nous les avions affichées par écrit, nous défendions le windsurf sans être opposés au kitesurf. Ce que nous avons dit très précisément, c’est que, quels que soient les cas de figure, le windsurf est une discipline structurante, moderne, pleine et entière qui devait rester aux Jeux et qui aujourd’hui doit revenir aux JO. C’était mon point de vue, celui de la FFVoile. Discipline nouvelle et attractive, le kitesurf avait toutes les potentialités pour rentrer aux Jeux mais ce que nous proposions, c’était de l’incorporer aux évènements ISAF dès 2013 aux côtés des 10 disciplines olympiques. Pour nous, l’idéal sur des épreuves comme la Semaine Olympique Française par exemple, c’était de créer un rond supplémentaire sur l’eau et que le kitesurf fasse ses armes et intègre à terme le panel olympique. Ceci était motivé par le fait que nous voulions garder le windsurf et préparer l’arrivée du kitesurf en même temps car, de notre point de vue, il y a un peu trop de dériveurs. Ce n’est pas que nous sommes opposés au dériveur mais il faut qu’il y ait un juste équilibre entre les différentes formes d’expression de la voile légère. Ceci nous semblait être un choix équilibré et sain.

 

WJ : Comment ce vote s’est-il passé concrètement ?
JPC : Dans le détail, comme toujours, ces choix sportifs cruciaux passent devant les comités de l’ISAF dont l’Events Committee, là le windsurf a été choisi par 14 voix contre 2, une majorité énorme. Ensuite, devant le conseil de l’ISAF, à la suite d’interventions et de possibles manœuvres avant, une intervention m’a extrêmement surpris, celle du président d’honneur de l’ISAF, le roi Constantin (ndlr : le roi de Grèce en exil qui n’a jamais régné et qui connaît bien le monde de la voile) qui d’habitude assiste à toutes les réunions en observateur et qui là est intervenu exceptionnellement avant le vote, c’est ce qui a du faire pencher la balance. Ce que l’on voit, c’est que les grandes nations de la voile comme la Grande Bretagne, l’Allemagne et l’Italie adoptaient cette position de la France d’offrir une phase de transition au kitesurf dès 2013 selon les règles ISAF et que l’on se retrouve avec une pratique qui sera olympique dans 4 ans ! Cela pose un double problème, pour nous fédération, l’éviction du windsurf et l’arrivée du kitesurf, une discipline qui est aujourd’hui sous tutelle de la Fédération Française de Vol Libre alors que seule la Fédération Française de Voile est reconnue par l’ISAF en tant qu’interlocuteur pour la France.

 

WJ : Les rumeurs vont très vite et il y depuis a cette pétition sur Internet et cette promesse qu’un nouveau vote peut avoir lieu en novembre prochain pour inverser la tendance, qu’en est-il exactement ?
JPC : C’est une possibilité qui en effet été évoquée par la fédération anglaise, la Royal Yachting Association, lors du vote de l’assemblée générale de l’ISAF qui a lieu tous les 4 ans et qui se déroulera en novembre prochain. Statutairement c’est une possibilité mais il est difficile d’en dire plus aujourd’hui. Ce qui est certain parmi toutes les choses que l’on peut entendre et lire actuellement c’est que le CIO n’a rien à voir là-dedans et, à ma connaissance, n’a pas pris position suite à cette décision. Pour revenir à ce vote, nous récoltons des informations à ce sujet en ce moment, il faut une majorité qualifiée des 2/3 ou des 3/4, ce qui est beaucoup. La totalité des pays membres de l’ISAF votera en novembre prochain et là, ou bien il y aura à nouveau un certain lobbying de certaines fédérations et de certains dirigeants qui pourront exercer une influence, ou bien la balance peut s’inverser grâce aux "petits" pays, ceux qui ont une pratique moins ancienne, moins ancrée de la voile mais dont le votera comptera comme pour une grande nation. Je pense à nos amis du Maghreb par exemple. Pour eux qui ont investi dans le support RS:X ces dernières années, ça va être très difficile de se retourner et de changer de matériel aussi vite. Nous les avons aidé par le passé et cela a mis beaucoup de temps pour implanter le windsurf, changer tout un parc de matériel, cela devient très difficile. Le vrai problème, c’est que la décision ne me convient pas, soit parce que elle a été mal faite, soit elle a été prise trop rapidement ! Sur le fond de l’affaire, il n’y avait guère de doute, c’est sur la forme qu’il y a un souci.

 

WJ : Pour beaucoup de pratiquants, le windsurf olympique n’est pas en phase avec la réalité de pratique de tous les jours et on peut lire de ci de là que si le windsurf n’est plus olympique, ce n’est finalement pas si grave que cela… Qu’en pensez-vous ?
JPC : Je pense qu’ils se trompent parce que cela permet au sport de rester une discipline de haut niveau. Ce critère a de vrais conséquences pour les jeunes athlètes, pour les accueillir dans les pôles, les aider dans leur préparation, les assister lors de leurs entrainements. La récente Equipe de France de Funboard profite actuellement de ces mêmes infrastructures avec cette synergie qui se met également en place entre Julien Bontemps et Antoine Albeau. Là où ces pratiquants ont raison c’est que l’olympisme, ce n’est pas la vie et l’absence d’olympisme, ce n’est pas la mort et bien heureusement mais franchement, il bien se l’avouer ça aide énormément surtout financièrement ! Même si le windsurf ne reste pas olympique, nous continuerons d’animer toutes nos structures windsurf de la même manière en gardant un statut de haut niveau sauf si vraiment l’Etat nous le refusait mais franchement je ne le pense pas… Cela nous permettra de rester prêts si le windsurf revenait pour les Jeux Olympiques de 2020, s’il en sort définitivement pour 2016. A la FFVoile, le windsurf est une discipline pour les jeunes et nous conserverons les compétitions et championnats de France déjà présents.

 

WJ : Depuis 30 ans, la structuration du windsurf en France s’appuie sur cette logique olympique, les clubs, les entrainements, les compétitions nationales, européennes, internationales avec un moteur pour toutes les structures existantes sur le terrain, ce moteur ne risque-t-il pas de s’enrayer ?
JPC : C’est difficile à dire mais je ne le pense pas, tout du moins dans les premières années et pas tant que nous avons un espoir réel et fondé de voir revenir le windsurf aux JO de 2020. Qu’il n’y ait pas de Graal pour tous les jeunes, ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle, mais nous allons voir aussi entre pays européens comment concentrer nos moyens et faire des choses intéressantes malgré tout. Et puis il y a aussi l’aspect funboard qui est là et qui peut être une voie intéressante de développement encore.

 

WJ : Au-delà de l’éviction du windsurf, vous parliez d’un autre problème, le kitesurf aux JO et aujourd’hui la délégation de ce sport qui revient à la Fédération Française de Vol Libre et non à la FFVoile…
JPC : Nous avons toujours contesté, dès le début, cette délégation donnée par le Ministère des Sports. L’Etat est l’Etat, il avait tranché, mais nous avons fait remarquer que partout dans le monde, ce sont les fédérations de voile qui gèrent le kitesurf sauf en France alors que, pour a peu près tout le monde aujourd’hui, le kitesurf, c’est de la voile, reconnue d’ailleurs en tant que telle par l’ISAF. Maintenant tout le monde se retrouve devant cette difficulté. La FFVL a certes la délégation mais l’ISAF ne reconnaît qu’une fédération en France et jusqu’à preuve du contraire, en France, c’est la FFVoile ! Nous sommes face à une décision administrative française qui pose un problème. Il y a un et il n’y aura qu’un représentant de la voile en France au sein de l’ISAF. C’est la FFVoile qui est titulaire de la délégation auprès de l’ISAF et elle ne pourra pas inscrire des athlètes aux JO, athlètes qui sont eux affiliés à la FFVL ! C’est simple et c’est un problème qui va se poser dès 2013. Cela ne préjuge pas du travail fait par la FFVL jusqu’à présent mais les bases sont mauvaises selon nous et à l’opposé de ce que fait le reste du monde…

 

Photos : Lionel Cottin/FFVoile - Christian Chardon

tags: interview Jean-Pierre Champion olympisme ISAF FFVoile windsurf kitesurf Jeux Olympiques Rio 2016

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