Guéri du COVID-19, le témoignage de Raoul

12/05/2020

Le récent débat sur la réouverture des plages a (presque) occulté l’essentiel ces dernières semaines, la crise sanitaire liée au COVID-19 qui a fait à ce jour plus de 26 000 morts en France et plus de 285 000 dans le monde… Windsurfer et passionné de la 1ère heure, Raoul (qui souhaite rester anonyme) a été touché par la maladie et il livre son récit sur son combat de ces dernières semaines, pour ne pas oublier que, malgré le déconfinement, les mesures sanitaires (distanciation physique et gestes barrières) restent primordiales…

 

Windsurfjournal.com : Pourriez-vous tout d'abord vous présenter ?
R : J'ai 45 ans et je suis informaticien au CNRS. Je navigue depuis l'âge de 10 ans environ. Mes spots de prédilection sont Monteynard et Leucate.

 

WJ : A partir de quand avez-vous été malade et comment a évolué la maladie au fil des jours et des semaines ?
R : J'ai ressenti les premiers symptômes le 1er avril, soit quelques jours après le début du confinement. Ça a commencé par une fatigue très légère mais ça s'est rapidement dégradé. Je suis allé chez le médecin 2 jours plus tard. Aucun doute, c'était le COVID-19 pour le médecin traitant mais je n'ai pas été testé. Les 2 premières semaines ont été éprouvantes. J'étais extrêmement fatigué et je suis resté alité quasi tout le temps. Durant cette période, j'ai été suivi par mon médecin en téléconsultation. La semaine suivante, mon état s'est amélioré, mais au bout de quelques jours, j'ai fait une 1ère rechute qui m'a amené à appeler une 1ère fois le 15. SOS Médecins s'est déplacé à mon domicile pour m'ausculter. Au bout de quelques jours, mon état s'est de nouveau amélioré puis détérioré fortement. J'avais énormément de mal à respirer, plus du tout de forces et je commençais à trembler. Nouvel appel au 15 qui, cette fois, a fait intervenir le Samu. Ils ont hésité à me faire hospitaliser. Mes constantes étant redevenues normales et ne présentant pas de facteurs de comorbidité, ils ont préféré me laisser chez moi. Durant les semaines suivantes, rebelote. Je reprenais des forces et au bout de 3 ou 4 jours, nouvelle rechute, à chaque fois moins violente que les précédentes mais de nouvelles rechutes tout de même.

 

WJ : Vous n'avez pas été hospitalisé, pour quelles raisons ?
R : Ne présentant pas de facteurs de facteurs de comorbidité et ma saturation (taux d'O2 dans le sang) étant à peu près correcte, mon état ne nécessitait pas d'hospitalisation mais une surveillance soutenue. Je possède une montre de sport qui me permet d'avoir ma fréquence cardiaque ainsi que ma saturation. J'ai également un tensiomètre à ma disposition. Je pense que ça a joué dans leur décision de ne pas m'hospitaliser car je pouvais leur fournir ces informations par téléphone.

 

WJ : De par votre âge, votre forme physique, rien ne vous prédisposait, a priori, à être atteint par une forme grave du COVID-19 ?
R : Comme beaucoup, au début, je pensais que c'était une petite grippe et que ça passerait vite, d'autant plus que je suis plutôt sportif. Je pratique la planche à voile, le ski, le VTT et je vais tous les jours au travail en vélo (2 x 12 km). J'avais tort.

 

WJ : Comment vous sentez-vous aujourd'hui et comment décririez-vous cette expérience que vous avez vécue ?
R : Aujourd'hui, quasiment 8 semaines après le début des symptômes, je ne peux toujours pas vivre normalement. Dès que je fais le moindre effort, je suis épuisé. C'est une expérience difficile à vivre, autant physiquement que psychologiquement. Psychologiquement, c'est très dur à vivre, d'autant plus qu'on ne parle que de ça dans les médias. Tu es dans ton lit, tu ne peux rien faire à part écouter la radio et on t'annonce tous les jours le nombre de morts en France et à l'étranger. Y a mieux pour le moral. J'ai rapidement cessé de m'informer. Il faut également penser à ne pas infecter ses proches. La plupart du temps, j'étais confiné dans ma chambre mais il a quand même fallu faire très attention.

 

WJ : Dans un message posté sur le forum Windsurfing33, vous disiez que le windsurf est secondaire en cette période et appeliez à la patience et à la prudence, c'est presque "surprenant" venant de la part de quelqu'un de passionné comme tout un chacun ?
R : Ce qui m'a amené à intervenir sur le forum W33, c'est le décalage entre ce que je vivais et les messages qui étaient postés. Quasiment tous les messages allaient dans le même sens, celui de naviguer à tout prix, en occultant complètement que rien n'était réglé. Le virus n'a pas disparu et on n'a pas encore trouvé de remède.

 

WJ : Que pensez-vous de la réouverture des plages qui va s'opérer dans les jours à venir ?
R : Je suis partagé. D'un côté, je comprends l'envie de "revivre" normalement, mais d'un autre, j'ai l'impression que les gens pensent toujours que c'est une simple grippe, rien de plus. Ça me fait un peu peur pour la suite. Mieux vaut rater 1 ou 2 semaines de navigation plutôt qu'une saison complète comme ce sera le cas pour moi. Ceci dit, la probabilité d'être infecté par le virus en allant naviguer est probablement plus faible qu'en allant travailler ou en allant faire ses courses.

 

WJ : La colère grondait chez de nombreux amoureux du bord de mer ou de lac, dont les windsurfers, et certains appelaient même à la désobéissance civile, qu'est-ce que cela vous inspire ?
R : Je pense qu'il devrait aller faire un tour aux urgences ou parler à du personnel soignant avant d'appeler à ce genre d'action. Lorsque j'ai passé mon scanner pulmonaire, la moyenne d'âge dans la salle d'attente devait être autour de 35/40 ans. Si vous pensez que seules les personnes âgées sont touchées, vous vous trompez. Après, je comprends les professionnels du secteur qui voient leur business mourir.

 

WJ : Que vous a enseigné cette "mauvaise" expérience ?
R : On n'est peu de chose. J'ai déjà eu des accidents plus ou moins sévères en ski ou en VTT mais rien de comparable avec ce que j'ai vécu avec ce virus. L'environnement anxiogène n'arrangeant rien à tout ça.

 

WJ : Auriez-vous un message particulier à faire passer ?
R : Je vais faire classique. Merci aux personnels médicaux qui ont tous été très sympas et rassurants, ainsi qu'à ma femme qui a également vécu des moments assez difficiles, notamment lorsque je lui ai dit que j'en avais marre de lutter.
 


Source : Raoul
Photo : Raoul

tags: Raoul COVID-19

Articles similaires

3 questions à Raoul Joa - Partie 3 et fin

Après Craig Gertenbach (cf nos interviews de ces 2 derniers jours), c’est au tour...

3 questions à Raoul Joa

Product manager chez North Sails, Raoul Joa est l’un des concepteurs du gréement...

Joindre l\'utile à l\'agréable

Raoul Lequertier… La simple évocation de ce prénom et de ce nom renvoie...
comments powered by Disqus
Gestion de vos données sur le site Windsurfjournal
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies ou autres traceurs pour vous proposer par exemple, des publicités ciblées adaptées à vos centres d’intérêts ou encore réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus fermer