En tête de l’Ulsan PWA World Cup 2012 en Corée jusqu’à la veille de la cérémonie de clôture et finalement beau 2ème de cette épreuve, le français Antoine Questel confirme ce que beaucoup pensaient de lui déjà, FRA-99 est en grande forme en ce début de saison avec en prime une marge de progression qui lui permet aujourd’hui de tutoyer les podiums. Avec lui, retour sur cette superbe performance qui en fait incontestablement le français le plus en vue cette saison sur le PWA World Tour avec Antoine Albeau !
Windsurfjournal.com : 2ème d'une étape du PWA World Tour en slalom, est-ce quelque chose auquel tu avais seulement pensé cette saison dans ta phase de progression ?
Antoine Questel : 2ème, c'est effectivement ma meilleure place. La saison dernière, j'ai fait quelques manches de 2 et de 3 sur quelques étapes mais mon meilleur classement a été 7ème à Aruba en 2011. Alors en Corée, je progresse encore, je gagne une manche et je termine 2ème de l’épreuve ! Pour moi, c'est effectivement une bonne surprise de terminer sur le podium, même si avant d'aborder l'étape, je sentais que j'avais la vitesse pour figurer au haut de classement. La vitesse c'est une chose mais il faut aussi régater !
WJ : L'amertume est malgré tout un peu au rendez-vous on l’imagine car tu rates la victoire d'étape suite à une grosse erreur... Que s'est-il passé, la peur de gagner comme cela arrive parfois ?
AQ : Bien au contraire, ce n'est pas du tout la peur qui m'a fait passer à côté de la victoire. Sur cette dernière manche, je passe mon premier tour et mon quart de finale. En demi-finale, je fais un top départ avec un passage en tête à la première marque, toujours en tête en milieu de parcours avec cinquantaine de mètres d’avance quand je m'aperçois que je me trompe de bouée. Trop tard, je n'arrive malheureusement pas à remonter dans les 4 premiers pour me qualifier en finale gagnants !!! Pourtant cette bouée était dans le bon axe, le vent avait tourné et j’ai été attiré aussi par le bateau presse toujours placé à la 3ème bouée lors de toutes les manches précédentes… Cette erreur me coûte cher puisque, grâce à elle, l’américain Micah Buzianis se qualifie pour la finale et termine 2ème de la manche, ce qui lui permet de remporter l’épreuve à seulement 1,3 points devant moi !
WJ : Avant cela, il a ce 10 mai où tu survoles véritablement la course, 2 fois 5ème et puis cette victoire dans la manche n°4 qui te permet de prendre la tête de l'épreuve, peux-tu nous parler de cette journée, comment la vit-on intérieurement ?
AQ : La journée du 10 mai aura été une journée très longue puisque quand je suis arrivé à la plage, il était 7h30 et je suis rentré à l'hôtel 12 heures plus tard ! Il fallait rester concentré car la journée était très chargée avec une température assez basse. Avant cette fameuse finale gagnants que je remporte, mes amis français m’avaient encouragé alors que j'étais déjà à 300 % psychologiquement !!! Je me suis dit c'est maintenant ou jamais, je n’ai pas de mauvaises manches, à la prochaine c'est la discard, alors feu !!! Et là, je prends un top départ puis concentration maximum sur ma vitesse, je jibe en tête et je continue à creuser l'écart jusqu'à l'arrivée. Ma première victoire sur une manche de coupe du monde, c’est un évènement mais l’étape n’était pas terminée alors je devais rester concentré.
WJ : 2ème de cette étape coréenne, 2ème au classement annuel après 2 étapes, c'est de bon augure pour la suite de la saison, est-ce difficile de ne pas s'enflammer ?
AQ : Je ne me mets pas de pression pour la suite, mes objectifs sont toujours de terminer dans le top 10 mondial mais qui sait… Nous verrons bien le résultat final à la fin de saison. Ce résultat n’est pas le fruit du hasard, je continue ma progression step by step, c’est la manière dont on gère ma carrière sportive avec mon coach Stéphane Krause depuis maintenant 8 ans, cela permet de poser les bases solides de la performance et justement de ne pas s’enflammer parce que ça s’intègre dans une progression logique. C’est une bonne méthode je pense.
WJ : En 2 étapes, le regard de tes adversaires a-t-il changé sur la plage et sur l'eau ?
AQ : Je pense que le regard de mes adversaires sur moi a peut-être un peu évolué. L’an dernier, j’avais déjà montré que je pouvais être rapide. Lorsque tu commences à être présent de manière régulière dans des finales gagnantes, tu deviens un concurrent considéré comme « dangereux », mais le problème c’est qu’il y a beaucoup de concurrents dangereux !!! Et aujourd’hui n’importe quelle tête de série peut se retrouver éliminer au premier tour ou en quart de finale. Alors, je suis un concurrent comme les autres, je fais mon possible pour faire de mon mieux sur chaque heat et je respecte tous les concurrents parce qu’il suffit d’un rien pour être éliminé, on le voit sur chaque étape.
WJ : D'aussi bons résultats qui se confirment au fil des saisons, c'est une satisfaction personnelle on l'imagine mais on a le sentiment aussi que le passage d'armes entre l'ancienne et la nouvelle génération est réellement en train de se faire, même si c'est un sénior qui l'emporte finalement avec Micah Buzianis ?
AQ : Oui c’est une satisfaction personnelle et collective avec les personnes qui travaillent avec moi. Avec Loft Sails, nous avons beaucoup travaillé sur les voiles pour qu’elles soient extrêmement compétitives et avec les Starboard, cela fait une combinaison très performante. En revanche, je ne suis pas tout à fait d’accord concernant le passage d’armes car dans le top 10 du classement général PWA, il y a encore 7 coureurs de bien plus de 30 ans, avec Julien Quentel et Alberto Menegatti, nous sommes les « jeunes » du groupe ! Mais c’est vrai qu’il y a de plus en plus de coureurs de ma génération, comme Pierre Mortefon, Julien Quentel ou Pascal Toselli qui ont moins de 30 ans. Dans ce sport, le plus dur c’est d’être patient et de se construire, d’apprendre au contact des plus anciens. Et à un moment ça commence à payer, au fur et à mesure nous nous mettons au même niveau en ce qui concerne le matos et donc nous rivalisons avec les anciens en vitesse, et en attendant nous avons quand même développé nos compétences de régatiers... Alors une fois que tu as la vitesse et que tu régates bien, tu peux jouer avec les meilleurs, mais le chemin est long ! Si tu regardes bien, pour la plupart, nous avons fait nos armes ensemble pendant plusieurs années au Pôle Funboard avec Stéphane Krause, c’est cette génération qui commence à montrer le bout du nez et nous sommes bien décidés à prendre la place des vieux ! Mais ils sont encore durs à battre, la preuve c’est que Micah Buzianis remporte l’épreuve alors qu’il termine 28ème en Italie et Antoine Albeau est lui aussi toujours devant. Ma petite fierté, c’est d’être le premier français à avoir battu Albeau sur une coupe du monde depuis des années !
Photos : PWA/John Carter