À bientôt 53 ans, Antoine Albeau reste un redoutable compétiteur et il le prouve en remportant un 27ème titre mondial lors du Prince of Speed - ISWC World Championship à La Palme. Pour Windsurfjournal.com, il revient sur sa prestation lors de cette épreuve de vitesse et sur la fin actée de son partenariat avec NeilPryde et JP Australia.
Windsurfjournal.com : Nouveau record du monde vitesse en décembre dernier, au rendez-vous de la tempête Herminia durant l'hiver et présent à La Palme dernièrement, tu n'arrêtes donc jamais ?
Antoine Albeau : Ben non, tu me connais, j’ai toujours du mal à arrêter et j’ai des rendez-vous qui sont prédits par le vent. Cette année encore, il y aura la Namibie avec le Lüderitz Speed Challenge. J’y ai fait un super déplacement l’an dernier avec un nouveau record du monde de vitesse, un record qui, il faut le préciser, n’a jamais été battu par quiconque que moi depuis 2008. Je n’ai pas pu trop participer au rendez-vous tempêtes ces dernières années avec Thomas Traversa et Julien Taboulet et tous les acharnés de ces conditions. J’étais quand même pas mal occupé avec les enfants, la maison que j’ai construite sur l'île de Ré. Donc c’était cool de se retrouver durant l’hiver pour essayer de naviguer dans des conditions extrêmes. On a fait de bonnes vidéos et on a eu une super adrénaline, notamment en se mettant à l’eau à Meledan. Heureusement d’ailleurs qu’il y avait les jet-skis ce jour-là pour la sécurité, car je ne suis pas sûr que nous y serions allés, au moins sereinement… Et puis La Palme, c’est un rendez-vous pris depuis de nombreuses années déjà. Nous avons une bonne semaine, très positive puisque je reprends le titre de champion du monde perdu l’an passé. Je termine premier en aileron et vice-champion du monde en foil, je suis content, je ne pensais pas faire aussi bien. D’autant plus que je suis toujours avec mon vieux foil d’il y a quatre ans par rapport à l’évolution qu’il y a eu ces deux dernières années. J’ai un peu moins fait la différence à La Nautique, car c’était moins venté, mais dans le vent plus soutenu, ça glissait vraiment bien.
WJ : Dans quel état d'esprit es-tu arrivé sur ce Prince of Speed - ISWC World Championship sachant que tes contrats de sponsoring n'ont pas été reconduits chez NeilPryde et JP Australia ?
AA : Ç'a été un peu la grande surprise de ce début de saison. Depuis que NeilPryde a été racheté par PrydeGroup en Allemagne, ça n’est plus la même philosophie. Je pense qu’ils cassent l’esprit de la marque. C’est difficile à dire, mais il y a très peu de communication au sein des personnes qui dirigent NeilPryde et JP Australia. J’ai eu l’opportunité de changer il y a quelque temps, mais j’étais très attaché à la marque, j’ai fait 27 ans avec NeilPryde. 27 ans de titres mondiaux, de compétitions à travers le monde, en essayant de tout gagner. Il y a eu aussi un gros travail avec Robert Stroj, le designer, avec qui je m’entends super bien, ainsi que Werner Gnigler, le shaper de JP. Nous communiquons toujours ensemble, mais c’est avec le siège international qu’il n’y a plus rien. Donc logiquement, je suis arrivé sur le Prince of Speed un peu dégoûté, mais motivé. J’ai réussi à me faire faire des planches, mais pas JP Australia. Pour les voiles, j’ai fait avec ce que j’avais et notamment des prototypes que Robert Stroj m’avait faits il y a 5 ans. Je n’étais vraiment pas sûr de gagner, car Vincent Valkenaers et Hans Kreisel sont encore bien présents.
WJ : Comment la fin de ce partenariat de longue date, particulièrement avec NeilPryde, a-t-il été acté ?
AA : Ils m’ont fait une proposition très tard dans la saison, on discute toujours des nouveaux contrats avant la fin de l’année, mais là, ma proposition est arrivée en mars et elle ne me plaisait pas. Et aussi avec ce manque de communication, j’ai décidé que je voulais partir et discuter avec d’autres. Mais à ce moment de l'année, c’est compliqué et surtout trop tard, car tout est déjà organisé avec les autres riders. Je suis encore en pourparlers avec deux marques, cela devrait se décider dans les semaines qui viennent… Je suis très déçu de ne plus pouvoir travailler avec Robert Stroj car c’est l’un des meilleurs designers de voile, si ce n’est le meilleur. On a développé pas mal de voile ensemble et j’avais encore d’autres projets que j’aurais aimé faire avec lui… Les deux marques avec lesquelles je discute actuellement sont attentives et à l’écoute, tout l’inverse de NeilPryde et JP Australia actuellement. C’est une grande page qui se tourne, c’est comme ça. Finalement, je pense que j’aurai peut-être dû le faire avant.
WJ : Peux-tu nous parler de ces quatre journées de course et particulièrement de la dernière journée durant laquelle tu réalises la meilleure performance de la semaine ?
AA : En foil, j'ai alterné entre ma JP et une Black Cobra, cette dernière est dans l’esprit des nouvelles tendances de planche, très agréables à naviguer. William Huppert a fait de très bonnes courses, Cédric Bordes a aussi bien marché en remportant la dernière course, ç'a été un peu la surprise. En effet, nous avons notre GPS ainsi que celui de l’organisation pour la compétition et on partage nos infos en fin de course. Et Cédric n’ayant pas de GPS perso, nous ne savions pas trop ce qu’il en était et c’est finalement lui qui s’impose lors de cette course ! En aileron, j’ai bien géré ma dernière journée, j’ai fait beaucoup de runs comme Matteo Iachino et Cédric Bordes. La vitesse, c’est une question d’observation et de timing et, plus tu enchaînes les runs et plus tu as de chances d’avoir de bons chronos. J’aurais pu faire le doublé avec du vent plus fort en foil, mais je suis déjà très content de mon résultat.
WJ : En aileron et foil, dans quelle discipline as-tu pris le plus de plaisir durant ce Prince of Speed - ISWC World Championship ?
AA : Je crois qu’il n’y a pas une discipline plus qu’une autre dans laquelle je me fais plaisir. En foil, il y a beaucoup d’adrénaline, car tu es sur le fil et tu as énormément de chances de tomber. En aileron, tu vas prendre énormément de plaisir lorsque tu vas prendre un bon run, que c’est tout plat et que tu as une rafale du début à la fin. Le dernier jour en aileron, c’est vrai que ça glissait bien, surtout sur la première course, la plus ventée. J’ai eu deux runs vraiment parfaits avec des accélérations de dingue ! Mais finalement, j’aime bien les deux disciplines !
WJ : Ton palmarès se porte à 27 couronnes mondiales désormais avec ce titre en vitesse aileron, qu'est-ce que cela t'inspire ?
AA : J’ai raté le titre en vitesse l’an dernier et je partais à La Palme pour gagner. Je navigue beaucoup moins qu’avant mais je m’étais bien entraîné physiquement. Côté matériel, j’avais des nouvelles planches que j’ai pu essayer une semaine avant. Je connaissais les voiles, les ailerons et mon foil. Après si tu n’es pas dans le timing, tu passes à côté et les deux courses du dernier jour ont permis de faire la différence. Un 27ème titre, ce n’est pas mal, beaucoup de gens étaient très contents pour moi. Cela fait plaisir de te sentir soutenu et de faire plaisir aux gens qui sont contents de te voir gagner. Je ne vais pas prédire l’avenir, mais bon, j’espère que ce n’est pas fini !
WJ : Quel est ton programme cette saison et que peut-on te souhaiter pour la suite ?
AA : Il y a le Défi Wind en vue avec, sans doute, un nouveau partenaire là-bas. Ça va être chaud pour régler le matériel. Je ne vais pas prendre cet événement à la cool, car je ne prends rien à la cool, mais je vais faire de mon mieux possible. Quelques jours avant, j’ai aussi une clinic que j’anime avec Surf Center et 9 autres riders pros, ça devrait être très sympa. Je les avais vus l’an dernier et il y avait une super ambiance. Cela va me permettre de naviguer avec eux et de me régler. Je pense participer en foil, sauf s’il y a vraiment 45 à 50 nœuds, là, on sortira l’aileron. J’espère que l’on aura un beau Défi avec du vent pendant les quatre jours. Ce genre d’événement me permet de revoir beaucoup de monde et notamment les gars du tour PWA avec qui je peux me confronter et leur montrer que je suis encore un bon compétiteur ! J’ai vraiment hâte d’y être. Et puis avec du nouveau matériel, cela est un surplus de motivation et de jeunesse. Ensuite, j’aurai mon école de voile à gérer. Ça va être chaud, car, dès le mois de juin, j’ai des groupes et des séminaires qui viennent et il y a aussi les autorisations pour monter l’école sur la plage, etc… Je vais devoir commencer la monter la structure juste avant le Défi Wind et terminer juste après ! Il va y avoir du boulot. J’ai aussi des conférences prévues en mai et en juin et enfin l’organisation des Antoine Albeau Series qui auront lieu du 29 au 31 août qui devient l’épreuve officielle du championnat de France de longue distance, en aileron et en foil. Il y aura aussi une compétition fédérale en wingfoil (Wingfoil 17)… Et après la saison d’été, il y aura la préparation du Lüderitz Speed Challenge, sans oublier le Fort Boyard Challenge. Entre temps, il y aura le Prince of Speed avec encore deux courses en juin et en septembre, sur le mille nautique et sur 500 mètres. En Namibie, l’objectif est clair, battre mon record et la barre des 100 km/h sur 500 mètres. Et ce serait vraiment cool de le faire avec mon nouveau partenaire qui sera très motivé pour ça !
Source : Antoine Albeau
Photos : Aurélien Toulan