Dans la famille Noesmoen, nous connaissions la fille, Hélène, sélectionnée en iQFOil pour les Jeux Olympiques de Paris 2024… Plus discret et dans l’ombre de sa sœur, Pierre Noesmoen vivra lui aussi cette expérience olympique unique à partir de fin juillet, le tout en tant que coach. Au micro de Windsurfjournal.com, il nous dévoile son parcours, nous livre son analyse et les enjeux à venir à Marseille !
Windsurfjournal.com : Pourrais-tu tout d’abord nous parler de ton parcours ?
Pierre Noesmoen : J’étais pratiquant en windsurf et en windsurf olympique. Cela a vraiment débuté quand j’ai commencé le Sport Études de La Baule en 2004, j’avais 16 ans, j’étais en 1ère et ça m’a donné envie de m’investir en tant qu’athlète dans ce sport. Et puis, je voulais faire des études adaptées qui me laissent du temps et je suis allé en STAPS. Je suis resté à La Baule et j’ai fait mes études pendant 5 ans à Nantes et j’ai fait mes années en RS:X. C’était la génération de Pierre Le Coq, les débuts de Thomas Goyard et de Louis Giard… En 2012, j’ai pris conscience que je n’avais pas le potentiel, il y avait aussi une grosse concurrence avec Julien Bontemps. J’étais entre la 8ème et la 12ème place française, soit dans les 30 premiers mondiaux. Pour passer un cran supérieur, il fallait que j’investisse encore plus d’argent et de temps, ce que je n’avais pas. Pendant mes études, je me suis spécialisé avec un Master en préparation physique. Petit à petit, j’ai commencé à entraîner sur un club à Nantes, puis des équipes régionales et de là, l’idée est venue d’entraîner à haut niveau. J’ai passé le concours de professeur de sport en 2012 et je suis devenu conseiller technique pour la FFVoile. Je suis allé ensuite dans les Hauts-de-France pendant 4 ans pour organiser la pratique de la voile compétitive avec plein de projets très intéressants. Je savais que je voulais revenir dans de l’entraînement et il y a eu une opportunité en 2016 au travers de Faustine Merret qui voulait basculer sur la fac et qui m’a proposé un poste sur le Pôle Espoirs de Brest où elle officiait. Au fil du temps, j’ai commencé à entraîner les séniors hommes de 2017 à 2019, j’étais l’entraîneur n°3… Avec le Covid, pas mal de choses ont été arrêtées et, avec Nicolas Huguet, nous avons ensuite été missionnés sur le lancement de l’iQFOil. Nous avons réfléchi à la stratégie pour ouvrir la discipline en France, ramener des coureurs, des entraîneurs. À l’automne 2021, nous nous sommes répartis les missions, et je me suis occupé de l’Équipe de France Jeunes, les moins de 23 ans. L’année suivante, nous avons fait une rotation de poste avec Pierre Loquet et je me suis retrouvé à entraîner plus régulièrement Lola Sorin et ma sœur, Hélène Noesmoen.
WJ : Te retrouver à entraîner ta sœur Hélène, c’est donc un total concours de circonstances ?
PN : C’est un vrai concours de circonstances en effet ! Je l’avais un peu entraînée au Mondial 2021, qu’elle gagne et au championnat d’Europe, toujours en 2021, qu’elle a remporté aussi. Je l’entraînais, mais dans un collectif et parmi d’autres.
WJ : Travailler avec sa sœur, c’est assez inédit. Arrives-tu à faire abstraction de votre relation, du côté fratrie… ?
PN : Sur l’eau, nous restons très techniques. Après, c’est sûr que notre relation frère/sœur est présente tout le temps, car le dialogue est plutôt facile. On s’entend bien, nous avons même été en colocation de 2017 à 2022 à Brest et ça s’est bien passé. En fait, ça facilite plein d’échanges et même si parfois, on a des mots un peu forts, on sait aussi que nous sommes frère et sœur et que ce lien reste, quoi qu’il advienne. L’inconvénient, c’est peut-être que de temps en temps, on veut un peu trop protéger. Je suis protecteur et je ne vais pas trop lui rentrer dedans. L’autre chose, c’est de ne pas rester dans un vase clos et de continuer à côtoyer des personnes extérieures qui donnent des avis et viennent alimenter tout ça. On a une relation frère/sœur qui est ancienne et il est important d’y apporter aussi de la fraîcheur et de la nouveauté !
WJ : Passé le processus de sélection pour les Jeux Olympiques, quel a été la suite pour Hélène comme pour toi ?
PN : Les championnats du monde terminés, des filles comme des garçons sont allés naturellement vers Hélène en lui disant : "On est là", sans connaître encore la sélection officielle. Tous les garçons ont fait ça, pas mal de filles aussi. Il y avait une relation particulière entre Hélène et Lola Sorin et elles s’étaient dit que si l’une des 2 étaient sélectionnées, l’autre serait là pour l’accompagner dans sa préparation. De manière officielle, il y a Hélène Noesmoen, une partenaire officielle pour la FFVoile et l’Agence Nationale du Sport, c’est Lola Sorin et ensuite des partenaires plus ponctuels comme Adrien Mestre a pu l’être ces derniers temps. Il a apporté énormément de richesse. Sur le test matériel, nous avons Pierre Le Coq et Jules Chantrel. On souhaite de l’intensité sur l’eau et c’est pour cela que nous faisons appel aux garçons. Le quatuor clé, c’est Hélène, moi, Lola et Adrien et on fait appel à des intervenants…
WJ : Pour revenir à Hélène, toi qui la connais très bien, quelles sont ses forces et ses faiblesses ?
PN : Sa force, nous l’avons bien identifiée, c’est sa polyvalence technique doublée à son expérience de la régate. Elle a 15 ans de compétitions derrière elle, elle a plein de schémas tactiques en tête et on sait que sur les premières manches d’une compétition importante, elle sait faire de bonnes courses au début quand peu d’athlètes ont compris comment ça se passait tactiquement. Elle a de bonnes analyses, elle comprend vite et elle s’adapte. Par rapport à ses adversaires, c’est la fille d’expérience. Son point faible, je dirai que c’est le fait qu’elle n’est pas leader dans un type de condition en particulier. Elle peut être placée partout, mais il n’y a pas de conditions où on peut se dire que là, c’est pour elle et aucune manche ne peut lui résister. Alors qu’il y a des étrangères qui sont transcendantes dans certaines conditions, mais moins bonnes dans d’autres… L’autre point sur lequel nous voulons faire attention, c’est qu’on ne veut pas qu’elle se surcharge, car elle veut tout maîtriser. Un peu comme avec Nicolas Goyard, ils sont à tout calculer et Hélène veut maîtriser tous les paramètres de la performance. Et c’est l’histoire d’une vie, ce n’est pas possible. Avec Adrien Mestre, nous faisons en sorte qu’elle se détache de ça pour se donner du temps pour être fraîche.
WJ : Quelles sont les principales adversaires que vous avez identifiées sachant qu’Hélène Noesmoen a longtemps dominé la classe iQFOil avant de se faire rejoindre ?
PN : Hélène aime le technique et c’est ce qui a fait son avantage au début. Elle a passé beaucoup de temps sur le support, elle a testé beaucoup de choses, mais nous sommes restés sur un schéma assez typé et qui oblige à une navigation en puissance, ce qui a été de moins en moins dans l’air du temps au fil des mois. Elle a progressé dans beaucoup de choses, mais elle s’est peut-être enfermée dans un schéma qui marchait à un moment, mais moins suite… Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, en 2021, il y avait encore les Jeux Olympiques de Tokyo et beaucoup de filles ont fait le transfert bien plus tard. Emma Wilson ou Sharon Kantor ont bien mis 1 an pour se mettre au niveau alors que nous étions sur un truc performant, à l’époque, mais que nous n’avons pas adapté… Nous avons le temps de le faire désormais. Pour moi, les 2 grosses concurrentes sont l’Anglaise Emma Wilson et l’Israélienne Sharon Kantor, la première avec une grosse expérience et déjà une médaille olympique, l’autre très jeune et assez peu expérimentée. Après, il y a des filles dans le top 10 mondial qui peuvent être très rapides comme la Néerlandaise Sara Wennekes et la jeune Norvégienne Mina Mobekk. Je placerai Hélène dans ce groupe avec l’Italienne Marta Maggetti. Parmi les sélectionnées, il y en a très peu qui ont déjà participé aux Jeux Olympiques à part Marta Maggetti et Emma Wilson.
WJ : Les Jeux Olympiques ont cette particularité d’être une épreuve unique durant laquelle tous les pronostics peuvent être déjoués…
PN : Tout à fait ! C’est une flotte moins dense, on sait que c’est la vitesse qui va primer. Peut-être que des personnes comme l’Espagnole Pilar Lamadrid vont pouvoir mieux s’exprimer. Tout est possible, pendant la semaine, mais aussi lors de la medal race. L’ambition avec Hélène, c’est de se dire que l’objectif c’est la médaille, et avoir l’or c’est encore mieux ! L’état d’esprit, c’est de passer toutes les étapes, la semaine de course, les quarts de finale, les demi-finales et la finale. Et si on peut gratter des étapes et être directement en finale, c’est que du bonus et on va se préparer dans ce sens. Et puis il y a ce format de medal race qui reste très particulier. Je ne trouve pas que cela soit représentatif de notre discipline. C’est très bien lorsque l’on peut maîtriser toutes les variables. Et sur l’eau, c’est tout sauf le cas !
Pour en savoir plus sur Pierre Noesmoen : www.instagram.com/noesmoen
Source : Pierre Noesmoen
Photos : FFVoile/Sailing Energy