7 questions à Julien Bontemps

18/07/2024

Athlète français bien connu et médaillé d’argent lors des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, Julien Bontemps est aujourd’hui l’entraîneur de Nicolas Goyard après avoir accompagné Charline Picon en 2020. Au micro de Windsurfjournal.com, il revient sur ces derniers mois de préparation et l’adaptation au nouveau support iQFOil…

 


Windsurfjournal.com : C’est ta 2ème olympiade en tant qu’entraîneur après avoir accompagné Charline Picon pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020…
Julien Bontemps : C’était plutôt la fin de l’olympiade, car Charline Picon m’avait demandé de la rejoindre alors que les JO avaient été reportés d’un an en raison de la pandémie. Je suis arrivé dans le jeu en mai 2020 et après Tokyo, j’ai enchaîné avec les garçons et le nouveau support iQFOil. C’est quelque chose dont j’avais envie que j’ai proposé à la FFVoile. Charline Picon changeait de support, c’était la fin de notre histoire. Côté garçons, il y a une équipe forte et des gens avec qui je m’entends bien…


WJ : Par rapport à ton passif, est-ce que le nouveau support iQFOil t’a demandé de revoir totalement tout ce que tu avais mis en place avec Charline Picon à l’époque en termes de préparation olympique ?
JB : Complètement ! Le sens que tu veux donner à la préparation a complètement changé. En RS:X, nous avions une préparation beaucoup plus globale, sur le physique, sur la navigation et certains paramètres autour de l’athlète. Et là, je suis retrouvé en début de préparation olympique, les garçons n’avaient que 2 trucs en tête, prendre du poids et comprendre le matériel en testant un maximum de produits pour saisir les subtilités, alors que, on le sait, l’équipement se doit d’être identique. C’est moi qui ai dû m’adapter, il y avait un fossé énorme entre l’attente des athlètes que j’ai pu connaître et celle en début de préparation. Il a fallu changer tout ce qu’il y avait autour de mes conceptions d’entraîneur que j’avais pour amener les athlètes au meilleur niveau à cause de ce changement radical de support. Les priorités ont été totalement différentes ! Entre Thomas et Nicolas Goyard, ils étaient très leaders là-dessus et m’ont beaucoup aidé sur la façon d’aborder ce nouveau support à foil, comment comprendre, quel matos choisir, etc… Ces points étaient plutôt en priorité que la préparation physique par exemple. Ce sont eux qui m’ont guidé vers ce qui était important pour eux. Finalement, j’étais plutôt suiveur ou accompagnateur dans ce dont ils croient et quand ils m’ont expliqué comment ils voyaient les choses, j’ai plutôt adhéré. Quelques mois plus tard, aujourd’hui, je suis plutôt dans le rôle du gars qui va apporter son expérience des Jeux, les pièges à éviter, les nouvelles choses, etc… Il y a aussi la spécificité de cette épreuve, ce n’est pas un championnat du monde, ce n’est pas une coupe du monde, c’est une régate par nations avec des gars qui ont une très forte envie de bien représenter leur pays.

 

WJ : Et en prime, il y a le fait que ces Jeux Olympiques ont lieu en France…
JB : Tout à fait et ça, c'est vraiment nouveau pour tout le monde ! Parmi les principaux adversaires de Nicolas Goyard, aucun n’a encore participé aux Jeux Olympiques donc ça va être une expérience totalement inédite pour beaucoup de concurrents. Certains coachs comme moi connaissent les Jeux et peuvent apporter quelque chose et éviter certaines erreurs…

 


WJ : Quelle a été la chronologie et le cadre d’entraînement pour préparer ces Jeux ?
JB : Nicolas Goyard a été sélectionné en février et rapidement, quasiment tout le monde s’est proposé pour l’accompagner. L’idée que nous avions développée avec Nicolas était d’utiliser les forces en présence avec 4 français dans le top 15 lors des derniers championnats du monde. Louis Pignolet, Yun Pouliquen et Tom Arnoux ne sont pas partenaires d’un point de vue statutaire, mais en pratique, oui ! L’idée était de trouver une équipe forte qui amène de nouvelles choses à Nicolas et qu’il performe aux Jeux, tout en préparant déjà une continuité après cet événement car ils font partie des leaders. L’objectif était donc d’embrayer aussi pour préparer Los Angeles 2028.


WJ : Concernant Nicolas Goyard, on le sent comme quelqu’un de très appliqué, très méticuleux et très déterminé à la fois, comment le perçois-tu de ton côté ?
JB : Pour moi, c’est vraiment une force ! Il y a des athlètes qui ont parfois du mal à être très focus de manière générale. Pour Nicolas, il faut le vivre au quotidien, quand il est sur un sujet, il ne le lâche pas ! Je ne vais pas faire des éloges de Nicolas, ce n’est pas le sujet, mais par exemple, il est dans le bureau exécutif de la classe iQFOil et il est représentant des athlètes. Cela fait 3 ans que ça dure et il s’y emploie à 100% ! Ce qui le fait triper, c’est aussi de faire avancer le sport. Pour résumer, moi mon job, c’est qu’il s’épanouisse et donner du sens à ce qu’il fait, ce qui n’était pas toujours évident au départ. Il a eu un peu de mal à trouver sa place au sein de l’Équipe de France Olympique il y a 2 ans et demi… Quand certains étaient concentrés sur la sélection pour les Jeux, lui, il n’était pas du tout là-dedans, il était hyper intéressé dans le matériel, son fonctionnement, les voiles, les foils, etc… Il se posait des questions sur des choses qui le font avancer personnellement et c’est tout le sens de sa démarche. Donc finalement, je l’accompagne. Je ne suis pas loin d’être un conseiller psychologique en somme. En tant que coach, j’ai appris aussi sur moi, la part de technique est indéniable, mais la part d’humain est beaucoup plus importante.

 

WJ : Selon toi, quels sont les défauts, mais aussi les qualités de Nicolas Goyard avant ces Jeux Olympiques ?
JB : D’un point de vue technique, c’est quelqu’un d’assez complet et hyper adaptable. Quand il est focus sur un objectif, il va tout donner pour l’atteindre. Il est en train de faire sa petite cuisine pour être le plus complet possible en fonction des conditions qu’offre la baie de Marseille, piégeuse ou pas. C’est aussi quelqu’un qui sait se remettre en cause et se réévaluer comme peu de gens, je pense. En termes de débriefing, c’est souvent assez simple derrière. Il est à l’écoute des propositions quand quelque chose n’a pas été et c’est une qualité importante, car c’est ce qui permet de progresser. Côté point faible, je dirai que sur la communication, ce n’est pas forcément simple, mais c’est avec tout le monde en fait. Parfois, sur une proposition, ça tombe un peu comme un couperet, c’est non, point ! C’est sa manière de faire, sa manière d’être, il faut juste le savoir. Sur l’eau, le vent léger a été un peu compliqué à une époque, car il était un peu lourd. C’est pour cette raison d’ailleurs que nous avons sollicité des jeunes qui généralement performent dans le vent plus faible, en dessous de 15 nœuds, on va dire.

 


WJ : Quels sont les adversaires identifiés sur cette olympiade et ceux qui seront à surveiller en particulier ?
JB : C’est assez simple. Il suffit de prendre les derniers championnats du monde à Lanzarote en février dernier, même si c’était une course en flotte. À l’exception peut-être du Polonais Pawel Tarnowski qui est venu s’intercaler cette fois, on retrouve toujours un peu les mêmes… Particulièrement l’Italien Nicolo Renna et le Néerlandais Luuc van Opzeeland, ils sont tout le temps là ! Il y a l’Allemand Sebastian Kördel qui est un peu dans le dur en ce moment, mais sur qui il faut compter s’il est dans une bonne semaine. Après, il y a des jeunes et l’Australien Grae Morris qui peut être redoutable s’il y a des conditions ventées. Il est très rapide et c’est typiquement le genre de gars qui peut arriver et tout faire péter ! En cette année olympique, il y a de petites choses qui se voient comme des évolutions de comportement ou des changements de réglages.

 

WJ : Et puis il y a ce format de medal race qui reste toujours très particulier…
JB : Je reste sur mes positions suite à la medal race qui n’avait pas été courue l’an dernier lors du Test Event l’an dernier à Marseille… Après 19 courses, la victoire de Nicolas Goyard n’était pas volée, même si c’est dommage pour le public et pour le show qu’il n’y ait pas eu de finale. La medal race reste un exercice très particulier. Ce que je trouve bizarre et pas compréhensible, c’est faire autant de manches durant la semaine pour remettre les compteurs à zéro. Ce fut le cas pendant le Test Event l’an dernier, il y a eu 19 manches dans des conditions hyper variées... Et on remet tout à plat pour le show, et qui n’avait pas eu lieu pour le coup. On perd de l’ADN de la voile à mon goût…

 

Pour en savoir plus sur Julien Bontemps : www.instagram.com/jul_bontemps

 

Source : Julien Bontemps
Photos : FFVoile/Sailing Energy

tags: Julien Bontemps Nicolas Goyard Jeux Olympiques Paris 2024

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