3 questions à Pierre Gaubert

30/09/2021

Directeur et entraîneur du Centre de Voile de Saint-Brieuc dans les Côtes-d’Armor en Bretagne, Pierre Gaubert s'intéresse à la pratique des sports de glisse et forme les jeunes depuis l'époque de la Tiga Aloha jusqu'à la RS:X en passant par la Mistral One Design et la Techno 293OD. Et depuis plusieurs mois déjà, au travers de son compte Facebook, il tire la sonnette d’alarme suite à la labellisation il y a 1 an d’un certain nombre de matériels windfoil Jeunes à savoir les supports U15 et U17. La situation devenant préoccupante avec une possible désaffection future des jeunes pour la compétition, Windsurfjournal.com a logiquement décidé de lui tendre le micro…

Windsurfjournal.com : Il y a un an, la Fédération Française de Voile statuait sur la structuration des filières d'accès au haut niveau pour les jeunes avec la généralisation du foil, optant pour une jauge avec plusieurs marques. Quel bilan dresses-tu de cette décision ?
Pierre Gaubert : Cette décision a été, tout le monde en convient, la moins mauvaise décision. En effet, la France a été le laboratoire de la technologie foil et le laboratoire de la structuration. Les constructeurs nombreux sur le territoire avaient tous des produits plus ou moins adaptés à la pratique jeune, dans des fourchettes de prix allant de plus ou moins 3600 € à plus ou moins 5200 €. Un problème financier apparaissait laissant présager, dès lors, un souci d'équité sportive. Le choix de la jauge a été une rupture dans la tradition de formation des jeunes, car depuis les années 90, le secteur fédéral planche a toujours, pour ce qui concerne les planches, assuré une monotypie. Ce choix permet comme le demande le législateur, un accès au plus grand nombre en gommant la course au matériel pour privilégier les compétences du sportif.

WJ : Quels enseignements tires-tu et quel retour terrain as-tu du Championnat de France Jeunes Extrême Glisse Foil qui avait lieu à Leucate fin août ?
PG : Suite au France, on ne peut que constater la confirmation de nos craintes. Les plus chanceux ou financièrement pourvus sont parvenus à recombiner des packs dans la perspective d'être plus rapides. Ainsi sur les dix premiers, le top 6 disposait d'un foil carbone pas forcément livré avec la planche et la voile utilisées. Du côté des gréements, c'est la même chose, la jauge permettant 4 cambers, les jeunes, pour gagner, ont optimisé et choisi les voiles les plus performantes et donc les plus coûteuses. Si je trouve cela choquant, c'est en raison de ma posture de formateur et d'entraîneur et de mon éthique sportive. La sélection par l'argent est difficile à accepter tant elle s'éloigne de l'esprit du sport français qui prévoit un accès du plus grand nombre.

WJ : Quel est, selon toi, le plus grand risque si la situation ne change pas ?
PG : Si la situation ne change pas, le phénomène d'attente de la part des coureurs, des familles, des clubs, des départements ou encore des régions, constaté actuellement, va se transformer en abandon de la pratique compétitive windfoil. Si l’hémorragie de la pratique Bic 293OD continue, nous aurons des lendemains qui déchantent car actuellement, personne n'est dupe, les meilleurs en windfoil sont également les plus titrés en planche Techno 293 ou RS:X jeune. Regarder le déroulement d'un France ne permet pas de juger de la qualité de la filière. Si on continue sur ce chemin, tous les ans nous aurons un championnat à 50 jeunes U17 mais au lieu de venir d'une base de 200, ils viendront d'une base de 50. Les 150 manquants seront peut-être restés dans la famille FFV ou peut-être pas car rejoindre la communauté des freeriders est très tentant et on est plus facilement le champion de son spot.