3 questions à Antoine Giraud

05/01/2022

Windsurfer de la 1ère heure, Antoine Giraud est également un grand passionné de shape et de fabrication des planches au point d’avoir sorti dernièrement un livre dédié, le "Guide du petit shapeur amateur" afin de coucher sur papier glacé près de 4 décennies d’expérience et synthétiser toutes les informations diffusées sur son site web depuis 2010. A l’heure où les customs intéressent de nouveau certains pratiquants en raison des problèmes d’approvisionnement et des prix publics des modèles de série, il revient avec Windsurfjournal.com sur son parcours et la sortie de cet ouvrage…

 


Windsurfjournal.com Pourrais-tu te présenter pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?
Antoine Giraud : Je suis né il y a 53 ans bien loin de la mer, dans une région qui ne prédestinait pas vraiment à ce genre de passion. Je suis monté pour la première fois sur une Windsurfer dans le port de Morgat en 1981, sans grand succès. Les années qui ont suivi, j’ai pu faire avec mes frères mes premières armes sur une Sainval Hawaiian et une Magnum 370 dans le Morbihan, nous ne naviguions que l’été. Il y avait un gars là-bas qui shapait ses planches, des trucs absolument minuscules, et qui naviguait comme un dieu. Dans les magazines de l’époque, on voyait toutes ces planches colorées venues d’Hawaii, Sailboards Maui, Hi-Tech, Angulo, Naish, pas mal d’articles traitaient de shape, et invitaient les plus téméraires à tenter l’aventure avec des tutos, des kits de fabrication à acheter. Et puis il y a eu un peu plus tard cet article dans le magazine Matos en 1986, avec Jenna de Rosnay en couverture, où Brian Hinde réalisait étape par étape un custom de vagues au cœur d’un roman photo. En France, les ateliers pros commençaient à être nombreux, Sun7, Epluchures, Barland, Wave’s, Swell Expression, Farigoulette, Pumki, Tsunami et un paquet d’autres. J’étais obsédé par les photos de dessus et de profil des planches sur les publicités, je ne pensais plus que shape, tissus, résine. En 1984, j’ai réussi à trainer ma mère dans un magasin de bricolage pour acheter des blocs de polystyrène destinés à l’isolation que j’ai collés entre eux, et découpé avec un fil chaud de fortune bricolé à partir d’une corde de guitare et d’un chargeur de batteries. Ce premier shape, inspiré d’une pub de la Starsurf Magic à l’époque, un fier pintail double wingers de 270 x 66, monté, cela va de soi, en thruster avec une dérive anti-cavitation à ailettes au centre, fût le départ de tout le reste ! Par la suite, j’ai n’ai quasiment navigué que sur mes planches, ou sur des customs dans tous les cas. Une Naish 8’3’’ de 2001, une Quatro 253 de 2003, celles fabriquées par AHD et une Tiga Freecarve 59, ma première "grosse" planche, sont mes seules rencontres avec la série. Au début des années 90, j’habitais enfin non loin, puis au bord de la mer. J’y ai croisé Olivier Dansin, shaper des customs Kalamazoo, avec lequel j’ai passé pas mal d’heures à l’atelier sur mon temps libre, et dont j’ai appris beaucoup sur les techniques de stratification et le sandwich en particulier. J’ai par la suite commencé à fabriquer seul dans un atelier dédié mes planches sous le nom TOAN Sailboards, sans en faire le commerce, mais en créant un site puis des tutos vidéo pour expliquer les étapes de la réalisation d’un custom.

 


WJ : Après quelques décennies de shape et un site Internet très complet sur le sujet, tu viens de sortir le "Guide du petit shapeur amateur" en version livre... Pour quelles raisons et à qui est-il destiné ?
AG : J’ai toujours songé faire de cette passion mon métier, j’y pense encore parfois quand je peste dans celui que j’exerce, mais je ne l’ai jamais fait, et j’admire beaucoup ceux qui se sont lancés, voici quelques décennies, ou plus récemment. En revanche, j’ai toujours eu le goût de transmettre, d’expliquer par le verbe, l’écrit, les croquis, cette démarche qui me passionne, et dont les gens se sont éloignés depuis bien longtemps avec la venue des planches de série performantes, et de Cobra en particulier, mais dont ne sait plus trop bien de quoi elles sont faites. Moi, ma culture windsurf, c’est le custom. La série, c’est un truc que j’ai découvert plus tard, et sur lequel je me suis penché avec le souci de comprendre certaines choses sur le shape à proprement parler. Le premier site que j’ai mis en ligne en 2007 était assez basique, puis s’est étoffé, tant en aspect qu’en contenu. Le forum qui compte aujourd’hui plus de 500 membres, dont certains très pointus ayant à leur actif de très belles réalisations, date de 2010. Depuis ce petit livre plastifié de Fred Meunier et Pierre Bigorgne, et que je cite au début de mon ouvrage papier comme "l’une des références en la matière", rien n’a plus synthétisé toutes ces informations sur le sujet. Avec la petite expérience (toute relative par rapport à celle des vrais pros !) que j’ai accumulée au fil des années, avec les nombreux schémas explicatifs, tutoriels vidéo que j’avais réalisés, je me suis dit que si ça ne me rendrait jamais riche et célèbre, ça aurait au moins le mérite d’exister. Une grosse partie des infos était déjà présente sur le site, sur le forum, pour qui veut bien se donner le mal d’aller les chercher, mais je me suis dit que quelque chose de "matériel", un objet que l’on puisse conserver et qui rassemble l’essentiel, c’était à faire. À qui s’adresse-t-il ? À des gens désireux de se lancer, à d’autres curieux et soucieux de comprendre, à ceux qui préfèrent l’objet aux pages web que l’on zappe inévitablement. Oui, il paraît que c’est un peu technique, mais comme le sujet est passionnant, ça devrait compenser un peu, et il y a pas mal d’images !

 


WJ : Ce livre est très détaillé, très documenté et très technique à la fois... À l’heure où le prix des planches de série augmente irrémédiablement quand il n’y a pas des problèmes d’approvisionnement, serait-ce une manière comme une autre de remettre le custom au goût du jour ?
AG : C’est effectivement une cause qui me tient à cœur depuis le début, et que je défends ouvertement sur mon site comme dans mon ouvrage. Comme je l’ai dit, pour moi, le windsurf, c’est lié au "custom made". Il s’est passé quelque chose de marquant au début des années 90, l’émergence de ces planches performantes et légère face auxquelles les technologies d’alors utilisées par les shapers pros ont eu bien du mal à résister. Les shapes marchent fort, servis par une très grande expérience des shapers phares des grandes marques, la fiabilité, ça va, ça vient, cela dépend d’un cahier des charges de chacune qui évolue d’année en année, et comme tu le soulignes, le prix est devenu un peu délirant. Trop de modèles différents selon moi, pour des raisons plus commerciales que liées à un réel besoin des pratiquants. Alors oui, pourquoi pas maintenant plus que jamais ces dernières années. Des ateliers comme Rico ou Belzh en Bretagne, Black Local un peu plus bas, Tiaki Custom Shapes et d’autres. Le seul frein à tout cela reste selon moi lié au mode de pensée des clients/pratiquants qui trouvent que le custom, c’est beau, technique, fun, mais qui restent obsédés par le millésime, les tests, la revente, et même l’image véhiculée par chaque marque. Alors une fois encore oui, le custom de proximité, c’est fiable, très fiable, ça marche aussi bien qu’une planche de série, c’est moins cher, fabriqué près de chez vous, donc c’est forcément une alternative très sérieuse ! Je pense donc que c’est peut-être le moment de rebondir, si le prix des matériaux ne flambe pas, Cobra ne fabriquera peut-être pas des planches indéfiniment !

 

Source : Antoine Giraud
Photos : Antoine Giraud - Goulvenphoto.com

tags: Antoine Giraud Guide du petit shapeur amateur

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